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valent en tout une pistole (10 fr.), ce qui fait une partie de la solde des milices qui sont dans la capitale du royaume. Voilà ce qui se lève sur le peuple, qui ne connaît point d’autres gabelles ou impôts.

La justice des Corésiens est très-sévère, surtout à l’égard des criminels. Celuy qui se rebelle contre le roy est exterminé avec toute sa race, ses maisons sont rasées, sans que personne ose jamais les rebastir, tous ses biens sont confisquez par l’Estat et donnez quelquefois à un particulier. Quand le roy a prononcé un arrêt, si quelqu’un a la hardiesse d’y trouver à redire, rien n’est capable de le garantir d’un rigoureux supplice, comme nous l’avons veu souvent. Il me souvient, entre autres, que le roy, sçachant que la femme de son frère faisoit de très-beaux ouvrages à l’aiguille, il la pria qu’il pust porter une veste brodée de sa main ; mais, comme cette princesse le haïssoit mortellement, elle renferma entre les deux estoffes des charmes et des caractères d’une si grande vertu, que le roy ne pouvoit goûter ny repos ny plaisir pendant tout le temps qu’il portoit cet habit. Après s’estre bien tourmenté pour en descouvrir ta cause, enfin il luy vint en l’esprit ce que ce pouvoit être ; il fit descoudre la veste et descouvrit la cause de son agitation et de ses inquiestudes. Le roy la condamna à estre renfermée dans une chambre dont le plancher estoit d’airain, et il fit allumer dessous un grand feu dont la chaleur la tourmenta jusqu’à la mort. Le bruit de cette exécution s’estant répandu dans les provinces, un proche parent de cette malheureuse, qui estoit gouverneur de place et fort considéré à la cour pour ses bonnes qualités et pour sa naissance, se hasarda d’escrire au roy que celle qui avoit eu l’honneur d’espouser le frère de Sa Majesté ne devoit pas mourir par un si cruel supplice, et qu’il eust dû estre plus indulgent pour une femme. Le roy, irrité de la hardiesse de ce gouverneur, après luy avoir fait donner vingt coups de bâton sur les os des jambes, luy fit trancher la teste. Ce crime de lèse-majesté et ceux dont je vais parler ne sont, du reste, que personnels et n’enveloppent pas la famille dans le chastiment.