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rement assez fort pour cela. Le froid est si grand en Corée[1] qu’on 1662, on a oublié de mettre dans le journal de notre captivité, nous étant retirés dans les cloistres qui sont sur les montagnes, il tomba de la neige si prodigieusement, que pour aller d’une maison à l’autre, il falloit faire des chemins sous la neige, et, pour aller à découvert, les habitants portent sous leurs pieds de petits ais ou des espèces de raquettes, ce qui les empêche d’enfoncer dans la neige sans s’opposer à ce qu’ils puissent monter ou descendre. Le grand froid est cause que ceux qui habitent la côte du nord ne vivent que d’orge, et encore assez mauvais, le riz et le cotton n’y pouvant croistre. Les plus accommodés (aisés) de cette province-là font venir leur farine du costé du midy, mais le menu peuple de ce quartier n’est vêtu que de toile de chanvre commune et de méchantes peaux. En récompense, la racine de nisy[2] croist là en grande abondance ; ils la donnent en paiement au Tartare pour leur tribut[3] et en font aussi un grand commerce à la Chine et au Japon. Le reste du pays est fertile et produit toutes les choses nécessaires à la vie, et surtout du riz et d’autres grains. Ils ont du cotton et du chanvre et même des vers à soye ; mais ils ne savent pas préparer la soye pour en faire des estofes. Ils ont chez eux de l’argent, du plomb, des peaux de tigre et la racine nisy, sans parler du bestail, de la volaille et de beaucoup d’autres choses. Ils ont quantité de chevaux et de vaches ; ils se servent de bœufs pour la-

  1. Sur la carte des lignes isothermes de M. de Humboldt, la Corée se trouve comprise entre les lignes de 10e et de 15e, c’est-à-dire qu’elle aurait le même climat que la France ; la moyenne doit y être cependant bien moins élevée. On voit, d’après ce que dit Hamel, que la saison froide y est très-rigoureuse, en même temps que l’été doit y être très-chaud, puisque le riz est la production principale de la partie méridionale. La température, comme dans toutes les régions voisines, y marche entre des extrêmes fort éloignés.
  2. Le gin-seng, espèce d’araliacée très-commune dans toute la Mantchourie et à laquelle les Chinois attribuent des vertus merveilleuses ; ils pensent qu’elle donne l’immortalité : c’est du moins pour eux une panacée universelle. Le prix en est toujours fort élevé.
  3. Les Tartares Man-tchéous s’emparèrent de la Chine en 1664 ; c’est pour cela que l’auteur de cette relation désigne l’empereur sous le nom de Tartare, de même qu’on disait jadis le Turk pour le Solt’ane.