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classes ; et dans chacune de ces classes il y a autant de signes syllabiques qu’il peut y avoir de finales ajoutées au son initial. Prenons pour exemple la première division venue du syllabaire coréen :

Pa, pia, pe, pie, po, pio, pou, piou, pê, pî, pâ.

La raison de cette classe syllabique se trouve dans la lettre p, à laquelle on ajoute, suivant l’ordre adopté, les différentes voyelles qui se combinent avec cette consonne.

La première idée qui se présente à l’esprit, en jetant un coup d’œil sur ce système d’écriture, c’est qu’au lieu d’être syllabique, ainsi que les Coréens le supposent, il est purement et simplement alphabétique. En effet, chaque signe est formé de deux éléments, dont l’un, l’initial, se trouve dans tous les composés de sa classe, et l’autre, le final, se reproduit dans toutes les classes en combinaison avec chaque initiale. En séparant ces deux espèces d’éléments qui, après tout, ne sont autre chose que les consonnes et les voyelles, on obtient un alphabet fort simple composé de trente-deux lettres très-facile à apprendre.

Ce qui prouve clairement que les Coréens considèrent leur écriture comme syllabique, c’est qu’au lieu d’écrire l’un après l’autre les éléments vraiment alphabétiques dont elle se compose, ils accouplent ces mêmes éléments sur une ligne horizontale pour en former des syllabes complètes, qu’ils écrivent ensuite l’une sous l’autre, suivant une ligne verticale. Les lignes et les pages se suivent de droite à gauche comme dans les livres chinois. L’aspect général de l’écriture coréenne rappelle quelques écritures indiennes, notamment le devanagari ; il faut avouer cependant qu’elle n’offre de l’affinité réelle qu’avec l’écriture japonaise, à laquelle probablement elle a donné naissance. On pourrait y reconnaître aussi quelques éléments empruntés au chinois, si la différence essentielle des deux écritures n’ôtait à ces ressemblances graphiques toute l’importance qu’au premier abord elles sembleraient avoir.

On publie avec ce genre d’écriture un grand nombre d’ouvrages d’histoire et de médecine, des poésies, des romans, des livres de religion et de sorcellerie, dont le peuple seul est censé faire usage. Ceux qui aspirent au titre de savant vont puiser leurs connaissances dans les livres chinois, et regardent avec mépris ceux qui ne savent pas lire couramment l’écriture compliquée du céleste empire. On sait qu’il en est à peu près de même au Japon, en Cochinchine, au Camboge et jusque dans le royaume de Siam.

Malgré les grandes facilités que la nature alphabétique de l’écriture coréenne pourrait offrir pour l’impression des livres, au moyen de types mobiles, les Coréens se sont contentés, jusqu’à ce jour, du procédé stéréotypique, qu’ils ont emprunté des Chinois leurs voisins. Chaque page est gravée en entier sur une planchette en bois de cerisier ; on la soumet ensuite au tirage aussi longtemps qu’elle continue d’être lisible ; et enfin une fois usée, on la passe au rabot afin d’utiliser le bois pour la gravure de quelque autre ouvrage. Le procédé du tirage est de la dernière simplicité : l’ouvrier passe sur la planche, posé horizontalement devant lui, une brosse imprégnée