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moins facile à digérer que la viande convenablement rôtie, qui a conservé tous ses principes nutritifs. En Chine, au contraire, ainsi qu’en Corée, on croit, d’après l’autorité fort respectable, sans doute, mais peu hygiénique, de Confucius, que la viande rôtie est très-malsaine. Cette opinion, envisagée sous certains rapports, et surtout chez des peuples d’un tempérament différent, peut cependant être vraie et admissible.

Quoi qu’il en soit, la cuisine coréenne fait tout bouillir, sauf ensuite à rehausser le goût, naturellement insipide, de semblables préparations, au moyen de sauces particulières au pays, parmi lesquelles nous citerons la plus usitée et la seule connue en Europe, le soya. Ce condiment, dont l’usage a de la peine à se répandre dans nos pays par la persuasion où sont les gens crédules qu’il est préparé avec des blattes, se fabrique en grandes quantités avec de la fécule de dolichos, cuite à un certain degré, et soumise à la fermentation. On lui reconnaît des propriétés stimulantes dont les estomacs indolents se trouvent bien. Les Coréens ne sont pas seuls à en faire usage : le soya figure sur la table de tous les peuples d’Asie, depuis le détroit de Bab-el-Mandeb jusqu’au pays qui nous occupe.

Ce n’est pas la coutume en Corée que plusieurs personnes mangent à la même table : chacun s’assied par terre, les jambes croisées, devant une petite table d’un pied de haut, dressée exclusivement pour lui, sur laquelle sont placés les mets, une tasse pour boire, une cuiller et une paire de bâtonnets. Les bâtonnets servent à saisir la viande et les légumes qui ont été probablement coupés en petits morceaux ; on se sert de la cuiller pour manger le riz, ce qui est beaucoup plus propre que de porter l’écuelle à la bouche et d’en humer le riz à la mode chinoise. J’aime bien mieux aussi assister au repas solitaire du Coréen qu’aux repas animés des Chinois, où vingt personnes puisent dans le plat commun avec des bâtonnets qu’ils ont mis cent fois dans leur bouche.

Nous avons déjà dit que pendant le repas les Coréens boivent abondamment de l’eau, dans laquelle on a fait bouillir le riz. Une fois le repas terminé, ils se mettent à boire du vin du pays, c’est-à-dire de l’eau-de-vie de riz ; car le vin de raisin est une boisson fort chère dont les personnes opulentes peuvent seules se permettre l’usage journalier. Ce n’est aussi que chez les riches que l’on voit servir du thé. Les hivers de Corée étant trop rigoureux pour la culture du précieux arbrisseau qui fait la richesse du commerce chinois, on tire de Chine la petite quantité nécessaire à la consommation du pays.

Le menu peuple est très-friand de pâtisseries, si toutefois on peut donner ce nom à certains gâteaux compactes faits avec du miel, du maïs, ou du millet que l’on vend dans les rues, et dont le moindre défaut est d’être extrêmement indigestes.

Sous le climat de Corée presque tous les fruits d’Europe réussissent à merveille, et semblent être originaires du pays. Les pommes, les poires, les pêches, les abricots, les prunes, les cerises, les fraises, le raisin et les autres fruits des pays tempérés y sont excellents, malgré le peu de soin que