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liques de pénétrer en Corée, et d’y séjourner assez longtemps pour lever un coin du voile qui dérobait ce pays à nos investigations.

À en juger par la proximité et la dépendance où la Corée se trouve de l’empire chinois, on serait porté à croire que les mêmes coutumes, les mêmes mœurs, les mêmes lois devraient y prévaloir, et que ce royaume tributaire devrait être à l’orient de la Chine ce que le Tong-King et la Cochinchine sont à l’occident. Nous voyons, en effet, que, sauf la corruption du langage et une légère différence dans le caractère de ses habitants, le royaume d’Annam, formé par les deux pays que nous venons de mentionner, diffère si peu de la Chine, proprement dite, qu’on pourrait, sous le point de vue ethnographique, le mettre au nombre des provinces chinoises.

La Corée, au contraire, se présente sous un aspect entièrement différent ; et, chose remarquable, elle offre avec le Japon une telle analogie, qu’on est naturellement porté à attribuer aux deux royaumes une seule et même origine.

On ne saurait révoquer en doute que les Coréens n’appartiennent à la race mongole aussi bien que les Chinois, les Annamites et les Japonais. Le front étroit, bombé et fuyant, les paupières épaisses, les yeux obliques, les pommettes saillantes, le nez un peu déprimé, les cheveux roides et noirs, la barbe clair-semée, le teint olivâtre, les extrémités des membres généralement grêles, voilà les caractères distinctifs de la nombreuse race mongole ; voilà aussi ceux du Coréen.

Cependant, de même que, chez nous, un œil exercé aperçoit facilement une différence dans le facies des habitants des différentes contrées européennes, de même on voit, chez les peuples dont je viens de parler, quelques traits particuliers qui les font facilement distinguer les uns des autres. Chez les Coréens, c’est la rondeur et surtout l’aplatissement du visage que l’on peut regarder comme le trait de famille : et en ceci encore ils se rapprochent beaucoup plus des Japonais que des Chinois.

Le phénomène social le plus remarquable dont la nation coréenne nous fournisse l’exemple est la distinction des castes.

Chez les autres peuples de la race tartare-mongole l’égalité de naissance est généralement admise : les dignités seules confèrent à ceux qui les ont mérités certains degrés de noblesse qui ne passent point à leurs descendants. De là, ce passage continuel de l’obscurité à la grandeur, et de l’opulence à la misère.

Les Coréens sont les seuls qui fassent exception à cette loi d’égalité naturelle, et qui, par leur organisation sociale, se rapprochent des peuples qui habitent l’Indoustan. Ces castes, nettement tranchées, établies dans l’Inde depuis la plus haute antiquité : ces Brames, ces Soudras, ces Chatrias dont les rivalités font le malheur du plus beau pays du monde, se retrouvent en Corée sous d’autres dénominations, il est vrai, mais avec les mêmes prérogatives et le même esprit d’hostilité mutuelle.

Les castes dont se compose la société coréenne sont au nombre de trois :