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l’occupation prussienne à versailles en 1870-71.

son mari, enfermé dans cette ville et qui est déjà venu la voir deux fois, par ballon. Les postiers sont ahuris et inquiets.

Chose curieuse que cette crédulité !

Vendredi 28 octobre.

Incident au Conseil municipal. M. de Bismarck ayant demandé trente livres de bougies, et le porteur s’étant trompé d’adresse, un aide de camp vint apostropher les membres du Conseil en pleine séance, de telle sorte que plusieurs protestèrent et furent momentanément incarcérés, notamment M. Albert Joly.

Mardi 1er novembre.

Les employés de la Poste prussienne obligent les expéditeurs à faire à leurs lettres des additions singulières avant de les faire partir. Ainsi, ils demandèrent à M. Lecomte, notaire à Meulan, d’ajouter à une lettre adressée à sa femme que Metz avait capitulé et que le Mont-Valérien était pris. Ils essuyèrent naturellement un refus.

Samedi 5 novembre.

Des officiers prussiens se plaignent hautement de ce que les salons de Versailles ne s’ouvrent pas pour eux ! Ils trouvent étrange que nous ne soyons pas disposés à rire et à danser avec ceux qui, chaque jour, se disposent à tuer nos pères ou nos fils !

Lundi 7 novembre.

Huit cents blessés allemands arrivent à Versailles dans des wagons de chemin de fer traînés par des chevaux.

Un jeune officier allemand raconte à ceux qui le logent que, dans un combat près de Dreux, son colonel, un brave parmi les braves, a été effrayé des engins dont se servent les Français : leurs projectiles ressemblaient à de vrais pains de sucre.

Avant-hier, dans un café près du chemin de fer Rive-Droite, des officiers prussiens entrent, et l’un d’eux, de sa cravache, fait sauter la casquette d’un consommateur versaillais. Ce dernier se lève, saisit un pot à bière et dit à son insulteur : « Vous ne sortirez pas en vie d’ici. » L’autre, alors, lui tend la main et lui dit : « Vous avez tort de vous fâcher, c’était pour plaisanter. »