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l’occupation prussienne à versailles en 1870-71.

tendre ; leur bruit sourd et prolongé ressemble à un ricanement diabolique qui nous réjouissait, puisque nous en sommes réduits à ne plus éprouver de joies qu’en voyant les autres malheureux.

En entendant un grand bruit de chevaux et de voitures sur le pavé de Vaucresson, je cours à la barrière de Jardies, où je vois passer au grand trot quatre batteries d’artillerie que l’on est venu chercher en toute hâte.

Les soldats qui étaient revenus dans les bois de M. Gauthier, malgré tant de promesses, sous prétexte qu’ils les trouvaient excellents, ont dû abandonner vite ce travail et rentrer en ville ; la surprise a été telle, qu’ils ont déchargé des bois qu’ils allaient emporter, et ont disparu avec la plus grande célérité.

À 4 h. 1/2, on renvoie du bois et de Jardies les promeneurs qui s’y étaient postés en grand nombre, et les Prussiens établissent leurs canons en batterie le long d’une haie qui se trouve à gauche de la route, en face de la porte du parc de la Marche, au sommet de la descente qui va à Vaucresson. Les gendarmes prussiens arrivent alors et forcent les promeneurs et les curieux à rentrer en ville, s’opposant à ce que personne ne remonte l’avenue et forçant les habitants à rentrer dans leurs maisons. Cette mesure était motivée pour le cas d’une déroute, afin d’empêcher que les Versaillais ne tombent sur les fuyards. À 6 heures, la bataille a complètement cessé, les mitrailleuses ont eu le dernier. À 6 h. 1/4, une batterie rentre en ville par notre avenue ; les hommes chantent. À 7 heures, des lignards prennent le même chemin pour regagner leur casernement ; ils chantent tous aussi, mais on sent que c’est par ordre, car leurs chants sont psalmodiés plutôt qu’enlevés.

Un bûcheron, qui rentre quelques instants après, nous dit que les Français ont détruit tous les ouvrages exécutés par les Prussiens dans ces derniers jours.

J’ai vu, au plus fort de la bataille, le Grand-Amiral de Prusse, à cheval, toujours suivi de son domestique, à cheval également, et portant en bandoulière sa longue-vue.

Samedi 22 octobre.

Le nombre de nos blessés transportés au Château serait