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l’occupation prussienne à versailles en 1870-71.

Les avis placardés à l’intérieur sont en allemand. Le gardien-chef est un Allemand.

Nous avons vu dans le rez-de-chaussée nord du corps central du Palais trente blessés amputés.

Des Prussiens se promènent à cheval dans les parterres et les bosquets des jardins de Louis xiv.

Vendredi 21 octobre.

À 2 heures, le canon se fait entendre dans la direction du nord. Étant en visite boulevard de la Reine, je vois une jeune Anglaise descendre précipitamment et me dire d’une voix émue : « L’armée française attaque Beauregard, elle est à une heure d’ici. Ah ! Monsieur, mon émotion est légitime, car, quoique Anglaise d’origine, je suis Française par le cœur. »

Je pars à l’instant pour informer ma mère de cette nouvelle ; au même instant, la canonnade redouble. Tous les Versaillais sont sur les trottoirs, devant leurs maisons, le sourire aux lèvres. Les Prussiens se montrent soucieux et affairés, on les voit courir de tous côtés avec des regards inquiets.

En les voyant ainsi, j’ai pensé à : « Ousqu’est mon fusil ? » Ils ont eu un moment de panique, car les pièces de canon qui sont sur la place d’Armes ont été mises en place deux par deux, faisant face aux trois avenues, un régiment de dragons stationnant au centre de la place, ayant bride des chevaux au bras ; les fantassins étaient l’arme au pied. La canonnade et la fusillade étant de plus en plus rapprochées, je me hâtai de regagner ma maison. L’agitation était la même partout. Les gens de la maison du prince Karl étaient tous devant la porte et fort écoutant.

Je trouvai dans l’avenue de Villeneuve-l’Étang de nombreux groupes de Versaillais avides d’entendre la bataille qui, peut-être, aura pour issue de nous délivrer de nos oppresseurs. Des promeneurs sont venus m’informer qu’ils avaient entendu, au delà de la propriété de Pavant, la trompette française. Je partageai, vous n’en doutez pas, l’émotion générale. Qu’elle doit être harmonieuse, cette trompette ! Entre 3 h. 1/2 et 4 heures, la bataille, à en juger par le bruit de la fusillade et du canon, semble se rapprocher de nous ; les mitrailleuses, dans ce concert de désolation, se font souvent en-