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l’occupation prussienne à versailles en 1870-71.

Leur état-major tendit un réseau de troupes qui, avec une très grande habileté, put suppléer à cette infériorité numérique : toutefois, il lui fallait six ou huit heures pour concentrer quarante mille soldats sur un point quelconque. Pour quatre-vingt mille, vingt-quatre heures étaient nécessaires. Naturellement, les autres positions n’étaient gardées que par le strict indispensable ; elles étaient, par la suite, exposées à être forcées au cours d’une offensive vigoureuse.

Ah ! si la réunion d’impondérables que l’on nomme « la chance » nous avait favorisés !

Elle nous fit également faux bond en ce qui concerne l’armée de la Loire et l’empêcha de porter des coups funestes à notre ennemi, qui longtemps vécu dans l’ignorance de sa force réelle et de ses intentions, car elle s’était formée sous le couvert des forêts d’Orléans et de Marchenoir.

Il est donc facile de s’expliquer pourquoi le roi Guillaume ne dormait que d’un œil : mais les Versaillais qui constataient le fait n’en devinaient pas la cause. Logés à la même enseigne, les soldats allemands ne donnaient donc pas l’impression de vainqueurs très sûrs d’eux-mêmes.

On sera peut-être surpris de voir combien la proclamation de l’Empire allemand, le 18 janvier 1871, a fait peu d’impression sur M. Renoult, ainsi que sur tous les Versaillais. Dans un article de la Revue de Paris du 1er février 1919, M. Batiffol, qui donne une étude détaillée de ce grand événement, nous en fournit l’explication : afin de pouvoir réunir le plus possible de délégations d’officiers, on en avait convoqué de toutes parts et il ne fallait pas que les Français fussent avertis de ce que les corps d’investissement étaient momentanément privés de leurs chefs. D’où le peu de publicité donnée à cette solennité.

D’ailleurs, nous-mêmes serions bien surpris, en lisant l’histoire qui sera écrite dans cent ans, de voir combien, nous qui les avons vécus, nous avons peu prêté d’attention à des événements qui ont bouleversé le monde…

Mais, hélas ! voici la fin : Paris a dû capituler. « Beaucoup de patriotes s’obstinaient à nier cette reddition inadmissible pour eux. Ils tiraient un argument, en apparence assez plausible, du peu d’enthousiasme que montraient les Prussions. En effet, les vainqueurs paraissaient presque aussi mornes que les vaincus,