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l’occupation prussienne à versailles en 1870-71.

des nôtres au cours de la guerre de 1870 : ils ne pouvaient pas croire à la défaite, car notre armée, à leurs yeux, était invincible, et la France occupait, à cette époque, une situation prépondérante. Nous autres avons subi des pertes effroyables, enduré de longs mois d’angoisses, mais nous nous attendions à de mauvais jours, pouvions envisager le pire ; ceux qui n’ont pas désespéré de la victoire finale ont eu beaucoup de mérite.

On s’imagine donc la stupeur qui frappa le public quand il put deviner la situation précaire de la garnison de Metz ; il se produisit à ce moment des nouvelles extraordinaires, des espoirs insensés. De même qu’on se leurre d’illusions invraisemblables sur l’état d’un être cher en danger de mort, de même, M. Renoult ne peut se résoudre à la possibilité d’une catastrophe. Le joue même où elle se produisit (27 octobre), elle fut connue à Versailles, et M. Delerot, dans son beau livre, relate avec détails l’impression qu’elle causa ; mais notre auteur, à cette date, se borne à raconter des cancans sur les soi-disant sorties victorieuses de Bazaine. Il ergote encore les jours suivants et n’accepte l’évidence que le 6 novembre.

L’état de guerre engendre de multiples psychoses, bien intéressantes à étudier. Une des plus curieuses est le besoin quasi maladif qu’on éprouve à vouloir connaître des nouvelles, besoin si impérieux qu’il domine souvent la fatigue et la faim, parfois entraînant les conséquences les plus saugrenues et les plus néfastes.

Aux avant-postes, il est bien difficile d’empêcher les nouvelles de filtrer ; c’est pourquoi les Versaillais pouvaient encore obtenir quelques renseignements sur Paris. Mais il était plus facile d’isoler la ville de la province ; les Prussiens, qui avaient, en la matière, un puissant intérêt, n’y manquèrent pas. On juge donc du nombre prodigieux de cancans, ayant pris naissance on ne sait où ni comment, qui circulaient dans Versailles, colportés, le plus souvent, par le petit monde : l’allumeur de réverbères, le boueux, les divers fournisseurs. M. Renoult en relate un grand nombre ; parfois, il les juge lui-même ridicules, mais on sent qu’il s’y est, un moment, laissé prendre.

Il n’y a pas que les transmetteurs de nouvelles de seconde main qui exaspèrent ainsi les nerfs des Versaillais, mais aussi des témoins oculaires, provenant des environs, même dans un assez