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madame de pompadour

Pompadour. Ah ! Bon Dieu, que de peines ! J’espère que vous ne m’en donnerez jamais de semblables[1]. » À lire ce court billet, on peut se demander s’il ne s’est pas glissé quelque désenchantement dans les relations que nous avons vu s’établir si étroitement, au début de cette étude, entre la Marquise et l’Ambassadeur. À la vérité, Madame de Pompadour a passé par d’horribles transes durant ces derniers mois, et après la secousse de l’attentat de Damiens, au lendemain de sa conversation avec Richelieu, il faut s’attendre à ce qu’il lui en reste quelque nervosité ; en outre, Stainville a laissé percer depuis son retour à Versailles des symptômes d’indépendance qui lui causent autant de surprise que d’émoi. Lorsque, sur les instances de Madame Infante, elle le pousse loyalement, appuyée par Bernis, à accepter l’Ambassade de Vienne, où il pourra « consommer l’alliance si bien commencée » et servir utilement les intérêts de cette Princesse, auprès de laquelle il s’est arrêté dans son voyage et dont il sait les ambitions, Stainville se montre plutôt sceptique. À Crécy[2], dans les premiers jours de mai, on lui présente le texte du traité qui vient d’être signé entre la France et l’Autriche ; il le trouve touffu, irréalisable et contradictoire en beaucoup de ses parties, embrassant trop de buts à la fois, et ce qui le frappe par-dessus tout, « sans autre objet réel que le sacrifice de presque toute l’Europe à l’agrandissement de la Maison d’Autriche » [3]. À ses observations sur l’insuffisance de M. Rouillé, à qui on cache non pas seulement le personnage qu’on a choisi pour aller à Vienne, mais encore jusqu’aux tractations pendantes entre les deux Cours : « N’importe, mon cher Comte », — riposte sèchement Madame de Pompadour, — « vous êtes nommé. Voilà tout ce que je voulais pour le bien de la chose et pour vous….. Bonjour, Monsieur l’Ambassadeur à Vienne[4]. » Madame de Pompadour ne s’en tient pas là : dans le courant de juin, elle lui annonce que « le Roi a donné ordre à M. Rouillé de communiquer à M. l’Ambassadeur tout l’ouvrage qu’a fait l’abbé de Bernis depuis dix-huit mois et celui de M. Destrées (sic) à Vienne, pour le mettre

  1. Général de Piépape.
  2. Terre de Madame de Pompadour, près Dreux.
  3. Mémoires de Choiseul.
  4. Général de Piépape.