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augusta holmès.

Chasseur cruel aux yeux si doux,
Ô toi qui m’apparus en songe,
Ô maître du divin mensonge,
Viens ! je te prie à deux genoux.
Éros ! Éros ! prends pitié de nous.

« Il faudrait maintenant, suggéra quelqu’un, composer la réponse d’Éros. » Augusta ne répondit pas, mais elle se mit en place et prit la pose. La séance terminée, elle s’assit au piano et très simplement : « La voici, dit-elle, la réponse d’Éros :

Des bosquets de Kythère et des temples de Guide,
Je suis accouru par les airs,
Empruntant de Kypris l’attelage rapide,
Les colombes au duvet clair.

Car j’entends ta voix qui m’implore
En des chants très voluptueux,
Et j’ai quitté ma place à la table des dieux,
Pour te rendre la vie, et la joie, et l’aurore ! »

Paroles et musique, elle avait tout improvisé. Les vers ne sont pas mal venus. La mélodie n’est pas une des meilleures, mais la hâte de sa naissance y est apparemment pour quelque chose.

On y trouve la note dominante de l’inspiration d’Augusta Holmès : la note passionnée, la note amoureuse, tantôt caressante et tantôt exaltée. Elle fut éminemment le chantre de l’amour. Elle avait une âme de feu. Elle s’est faite l’interprète de toutes les nuances, de tous les mouvements de la passion. De la pure tendresse à la violence sensuelle, de l’abandon languide au don triomphant, du trouble charmant des premiers désirs à l’agonie des mortelles déceptions, elle a tout exprimé de la joie et de la souffrance d’aimer. Il faut reconnaître à ses mélodies amoureuses un élan sincère et généreux, une franche spontanéité, souvent un charme caressant, plus souvent une exaltation sensuelle, une tendance marquée aux paroxysmes. Que leur manque-t-il pour être d’une qualité esthétique supérieure ? On y voudrait moins de complaisance à l’effet un peu gros et facile ; plus de profondeur d’accent, plus de mystère et de demi-teintes, moins d’éclat continu dans l’expression du sentiment, lequel reste trop pavoisé, trop extérieur.

Mais elle a rencontré parfois, dans l’expression de l’amour,