Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
366
augusta holmès.

C’est un éloge à son originalité que Saint-Saëns, lui rendant hommage, mais en signalant du même coup l’écueil, a reconnue « puissante, trop puissante peut-être, car cette qualité poussée à l’extrême la jette au dehors des sentiers battus, ce qui la condamne à marcher seule, sans guide et sans appui[1] ».

Voyons ce qui chez ces modèles était pour elle inassimilable et ce qu’elle eût avantage à s’assimiler.

Le choix de tels maîtres prouve en tout cas la qualité supérieure de son instinct, sinon de son goût. Cet instinct la portait naturellement vers le très grand art. Elle fut wagnérienne à une époque où il y avait du mérite à l’être, et sa ferveur n’allait pas à une gloire consacrée, mais au plus discuté des novateurs. Elle eut une opinion personnelle et le courage de son opinion. Louée soit-elle du sens aiguisé dont elle fit preuve. Mais son enthousiasme pour Wagner n’était pas sans danger. Comme l’a très bien dit le même Saint-Saëns, elle puisa à cette source « un redoublement d’audace, quand peut-être une éducation calmante lui eût été plus profitable[2] ».

Elle prit de Wagner l’habitude d’écrire elle-même ses livrets, de quoi nous devons la louer, d’abord parce qu’il y a tout intérêt pour l’unité de conception d’une œuvre à ce que les paroles et la musique émanent du même auteur ; en second lieu, parce qu’elle en était, nous l’avons vu, éminemment capable. Mais, musicalement, elle faisait fausse route en se mettant à l’école du grand symphoniste. Naturellement outrancière (le mot est de Saint-Saëns encore), elle ne fit que développer au contact de son dangereux modèle les excès de sa manière. Elle avait en elle l’étoffe d’une mélodiste souvent heureusement inspirée, d’une imagination féconde, exubérante, alliant la fraîcheur à la vigueur d’accent. Que lui manquait-il ? L’envergure ? Elle concevait grand. Elle avait du souffle. Mais alors ? La science peut-être ? Précisément.

L’on objectera que la science est chose qui s’acquiert et qu’elle était à bonne école pour l’acquérir. Chez cette « élève » de Franck, on ne retrouve guère la science harmonique de l’au-

  1. Harmonie et Mélodie.
  2. Ibid.