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augusta holmès.


Et le samedi 18 avril 1903, sous la bise glaciale d’un étrange printemps neigeux, son corps était porté, pour y dormir définitivement son dernier sommeil, dans l’une des petites allées du cimetière Saint-Louis, à Versailles.

Un service fut au préalable célébré dans la cathédrale, au cours duquel Saint-Saëns eut la touchante pensée non seulement d’apporter à celle qui avait été son amie l’hommage de son talent d’organiste, mais encore d’effacer son inspiration personnelle devant celle de l’artiste qu’il voulait honorer, en paraphrasant le Chant du Chamelier, sa première composition[1].

Telle fut cette vie pathétique, dont l’art fut le plus noble et le plus constant souci. L’instant est venu d’envisager le labeur de l’artiste. Il fut considérable, c’est le moins contestable éloge que nous en puissions faire. Quatre opéras, trois symphonies dramatiques, sept poèmes ou odes symphoniques, pièces diverses pour chant et orchestre, et enfin près de cent trente mélodies composent un bagage que peu d’auteurs pourraient revendiquer.

Sa première œuvre exécutée semble avoir été, en 1875, Héro et Léandre, un opéra dont elle avait écrit elle-même, à l’instar de Wagner, et comme elle fit toujours depuis, les paroles et la musique. Deux autres suivirent : Astarté et Lancelot du Lac,

    nombreuses gerbes ou palmes d’or offertes à l’artiste en diverses circonstances, notamment lors de l’exécution de ses œuvres.
    Au cimetière, on lut une pièce de vers d’un auteur anonyme rendant hommage à l’artiste et se terminant ainsi :

    Oui, maintenant, la Lyre encore est dans tes mains ;
    Une inspiration nouvelle te possède !
    De quels accords plus beaux, de quels cris surhumains
    La fais-tu palpiter, sublime Kitharède ?

    Et ton oreille s’ouvre aux son prodigieux
    Qu’en ses rêves ouit le divin Pythagore.
    Elle entend le concert des mondes dans les cieux,
    Le colossal écho de l’univers sonore…

  1. Dès le lendemain, un comité se forma, sous la présidence de M. Camille Saint-Saëns, pour élever un monument sur la tombe de la musicienne. L’État participa à la souscription et le monument, dû au sculpteur Auguste Maillard, fut inauguré le 12 juillet 1904. Il représente une muse drapée de deuil, s’appuyant sur une lyre et s’inclinant au-dessus de la dépouille mortelle de l’artiste, de qui les traits sont reproduits sur le socle en un beau médaillon. Deux vers d’Augusta Holmès sont en outre gravés sur la pierre de ce tombeau :

    La gloire est immortelle et la tombe éphémère :
    Les âmes ne font pas d’adieu…