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le site et la croissance de versailles.

originale[1], celle d’une ville relativement récente, qui n’est pas née de la nature des choses, mais de la volonté d’un homme, et qui, sans être un marché agricole, ni une ville industrielle, ni un centre de commerce, vit et se développe d’une vie particulière, sans se laisser absorber par Paris.

Sur ce dernier point, je ne puis adopter la conclusion de Mlle Foncin. Frappée du nombre de Versaillais qui travaillent à Paris et vivent de Paris, et du fait que le long tramway, sur une longueur de près de 10 kilomètres, les villages de Viroflay, Chaville et Sèvres, transformés eux aussi par la villégiature, cherchent à se rejoindre, Mlle Foncin pense que les deux villes marchent à la rencontre l’une de l’autre, et que Versailles est appelée à « disparaître, absorbée par l’insatiable Paris[2] ». Je crois, au contraire, que l’élément stable et nettement versaillais qui s’est formé dès le xviiie siècle et qui a sauvé Versailles de la ruine s’est beaucoup accru et l’emporte de beaucoup sur les oiseaux de passage ou sur le nombre des gens qui vont travailler à Paris tous les jours (les familles de ceux-ci sont d’ailleurs tout à fait versaillaises). Cet élément commerçant et propriétaire peut encore s’accroître par le développement de la villégiature et du tourisme, et si Versailles profite de la proximité de Paris, elle n’en garde pas moins sa physionomie particulière. D’autre part, s’il est vrai que la distance entre Paris et Versailles est diminuée par la rapidité des communications, et si le long du tramway on ne voit guère que des maisons, cette « rue » presque continue n’est qu’un mince ruban insuffisant pour réaliser une véritable fusion ; on s’en rend bien compte quand on prend le train au lieu du tramway et qu’on traverse les grands plateaux boisés et peu habités de Saint-Cloud et de Meudon qui s’opposent à ce que Versailles soit vraiment absorbée par Paris. Les trois autres villes de la banlieue parisienne qui dépassent 50, 000 habitants (Boulogne, Saint-Denis et Levallois) sont des annexes de Paris à cause de leur contiguïté avec la capitale et de l’industrie qui les enlaidit et les banalise ; mais Versailles ne leur ressemble en rien, elle

  1. « Ville tout à part et qui n’a point d’analogue en France », écrivait Égron en 1839. Elle a perdu, disait un habitant en 1859, son caractère de résidence royale et n’en a pas encore reçu d’autre.
  2. Déjà Égron, en 1839, dit que « Versailles ne sera qu’un grand et beau faubourg de la capitale quand deux chemins de fer la mettront à trente minutes de Paris ».