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madame de pompadour

projets, — et leur embarras fut extrême en apprenant, le 31 juillet, la victoire qui se levait contre eux, — leur œuvre néfaste avait fait trop beau chemin pour pouvoir s’arrêter. Le jour même de la bataille, le vainqueur d’Hastenbeck n’avait déjà plus le commandement de l’Armée d’Allemagne : six semaines auparavant, le 11 juin, l’abbé de Bernis, toujours membre du Conseil Royal, était convié par Duverney à solliciter en sa faveur une audience du Roi, afin de soumettre à S. M. l’objet du plan élaboré dans les conciliabules dont nous avons parlé, et cela aux seules présences de Madame de Pompadour et du Marquis de Paulmy. Bernis était exclu de la conversation par la crainte peut-être excessive qu’elle ne fût rapportée au Maréchal de Belle-Isle et ne provoquât l’échec de la combinaison, et, écrit-il dans ses Mémoires, « il fut arrangé qu’il n’en serait instruit que lorsque le plan aurait été adopté par le Roi et que M. de Richelieu aurait, en se racommodant avec Madame de Pompadour, mis celle-ci à portée de demander pour lui le commandement de la grande armée ». — « Il est incroyable qu’une pareille intrigue ait pu réussir », — ajoute-t-il, — trouvant « insensé de dégarnir le Royaume de nos troupes et d’exposer nos côtes aux descentes des Anglais, et plus absurde encore de commettre le Prince de Soubise à se mesurer avec le Roi de Prusse pour son apprentissage ». En pendant de la sorte, Bernis donnait libre cours — croyons-nous — ç un sentiment personnel et bien humain de vive aigreur contre les remaniements qu’avait subis depuis les débuts de la guerre son traité avec l’Impératrice et auquel le plan de Duverney achevait de porter le coup fatal avec une suprême maladresse. « Était-ce donc favoriser les vues des Autrichiens en Silésie, observe-t-il encore, que d’éloigner le théâtre de la guerre de la ligne de l’Elbe, où toute la masse de nos forces pouvait les soutenir[1]. » Ses attaches avec les auteurs du complot semblent donc l’avoir jeté, mécontent et troublé, dans l’engrenage de leurs artifices, et, chose digne de remarque, à l’heure même où un caprice de la fortune — car tout est singulier dans sa vie — va enfin l’arracher à cette diplomatie occulte dont il a été l’âme en ces derniers temps, pour le placer à la tête

  1. Mémoires de Bernis.