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le site et la croissance de versailles.

palité en 1797, « c’est Versailles qui a ressenti le plus les effets de la Révolution » ; et un voyageur anglais, en 1802, signalait « la misère dans laquelle sont tombés les habitants de la ville par suite de la Révolution ».

Versailles cependant ne mourut pas, et Mlle Foncin a très bien marqué d’où lui vint le salut. D’abord, entre les deux éléments qui semblaient y dominer sous l’Ancien Régime : en haut, les seigneurs, grands et petits ; en bas, le menu peuple qui vivait de la Cour, entre ces deux éléments que la Révolution fit à peu près disparaître, une classe moyenne, plus stable, s’était peu à peu formée. Beaucoup de gens qui avaient profité de la cherté des loyers pour louer en meublé, enrichis par cette industrie, — fort ancienne et toujours prospère à Versailles, — avaient acheté des maisons ; des commerçants de Paris, qui d’abord n’avaient à Versailles qu’une succursale, avaient fini par y établir leur maison principale et par devenir des propriétaires ; c’est cet élément bourgeois, propriétaires d’immeubles et commerçants bien établis, qui sauva Versailles de la ruine[1] et lui permit de franchir une longue et redoutable période de déclin.

Puis, il y eut l’afflux à Versailles des gens paisibles et âgés qui venaient y chercher, à proximité de Paris, le calme, la salubrité de l’air, la beauté des sites, le charme des souvenirs historiques, toutes choses dont on n’y pouvait jouir que depuis le départ de la Cour ; mais c’est surtout après les secousses de 1814 et de 1815[2] que Versailles languissant parut entrer en convalescence et commença à devenir une « ville de retraités » [3]. Ainsi, malgré l’excédent de décès, naturel en pareil cas, la population se maintenait. La croissance ne reprit que sous la

  1. On constate, non sans surprise, que plusieurs magasins dans les rues les plus fréquentées ont été fondés précisément dans cette triste période, entre 1789 et 1815. Versailles s’adaptait à sa déchéance comme autrefois à sa prodigieuse fortune.
  2. On sait qu’en 1814 la présence de l’armée de Marmont aux portes de Versailles faillit provoquer des troubles graves, et qu’en 1815, on se battit contre les Prussiens aux portes et jusque dans les rues de la ville.
  3. Narbonne note bien, dès le xviiie siècle, l’arrivée à Versailles de gens « curieux d’y jouir en paix de la beauté des promenades et de la bonté de l’air », mais il parle de la période de la Régence, où la Cour avait quitté Versailles, et probablement de séjours très limités comme ceux que pouvaient faire, dès 1700, les « étrangers que la curiosité y attire ». Mlle Foncin me semble un peu exagérer quand elle voit dans cette phrase de Narbonne le début de Versailles « ville de retraités ».