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l’interprétation de versailles


Tout s’emploie à lui faire oublier son dommage,
Et, comme pour lui rendre un plus sensible hommage,
Deux pigeons amoureux se baisent à ses pieds.

Le comte Robert de Montesquiou-Fezensac a longtemps habité Versailles. Le retentissement de ses premières œuvres fut considérable : la forme très nouvelle et très savante du vers, l’étrange sonorité des allitérations, la préciosité complexe des idées et des images, la richesse et la variété de la syntaxe, concoururent à classer l’auteur des Chauves-Souris parmi les novateurs les plus hardis et parfois les plus heureux. Versailles lui a inspiré un recueil de quatre-vingt-treize sonnets, les Perles rouges[1], et c’est lorsque le poëte a chanté Versailles, que ses brillantes qualités ont trouvé leur plus parfaite expression.

PERLES ROUGES

Mes vers ont reflété votre Miroir, ô vasques
Dont l’orbe s’arrondit tel qu’un clair bouclier ;
Vos Glaces, Galerie, où rien n’ose oublier,
Et dont le cœur est plein de plumes et de casques,

Tous les paniers géants, les justaucorps à basques
Dans ce double cristal vont se multiplier ;
Et des perles en pleurs, des larmes en collier
Roulent au bord des yeux, lorsque tombent les masques.

En vain le Temps est rude, et le Ciel est changeant ;
Le grand Louis, qui fut notre Grand Alexandre,
Dans le soleil couchant, tous les soirs, vient descendre…

Et rougir et pâlir, en l’or, et sur l’argent
Que ces rangs, alternés de pourpre et de grisailles,
Font, tour à tour, neiger, et saigner, sur Versailles.


PEINTRE DU ROY

Portraitiste attitré du vieux Versailles, Lobre,
J’aime à m’entretenir avec vous de ses maux ;
Dans ses bergers de pierre aux muets chalumeaux,
De ses rois, de ses dieux que ronge un morne opprobre.

Nous nous promènerons, un triste et riche octobre,
Sous l’abri blondissant des charmilles d’ormeaux ;
Et nous regarderons, en somptueux émaux,
Le parc agoniser d’un geste auguste et sobre.

  1. Paris (Richard), 1910 ; in-8o.