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dans la littérature contemporaine.

L’inspiration de M. Ernest Raynaud est très parente e celles de Régnier et de Samain ; c’est de la même manière qu’il comprend Versailles et qu’il en célèbre la beauté. Le Versailles de M. Ernest Raynaud est, comme celui de Samain, une suite de quatre sonnets. Il est d’ailleurs à remarquer que les poètes, même les plus épris de la formule moderne du vers libre, ont employé de préférence la coupe régulière et classique du sonnet lorsqu’ils ont évoqué Versailles.

VERSAILLES[1]
i

Le soir, où traîne éparse au vent l’âme des roses,
Baigne d’or le feuillage et les lointains flottants.
Le faîte du Palais s’éclaire de feux roses.
Une vitre frappée en a frémi longtemps.

La Gloire fatiguée du marbre se repose.
Mais, troublant le silence, il semble par instants
Qu’à travers les massifs où pleure quelque chose,
Un long sanglot d’adieu s’élève des étangs.

Tant de pompe étalée à l’ombre de la feuille
Par ce lent crépuscule humblement se recueille.
La dernière lueur agonise aux vitraux,

Et l’importune nuit, hâtant l’œuvre du lierre,
Des eaux venue, efface, en montant sur la pierre,
L’image de la Grâce et le nom des héros.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

iii

L’air est tiède. Un soleil joyeux joue à travers
Les vieux ormes touffus, et, la tête inclinée,
La déesse regarde à ses seins découverts
Une dentelle d’or et d’ombre promenée.

Sur son épaule nue ont pleuré tant d’hivers
Que, par endroits, sa pierre en est toute écornée ;
Sa cuisse lutte en vain contre une herbe obstinée,
Sa guirlande effondrée emplit les gazons verts.

Mais les fleurs, que le vent mêle à sa chevelure,
Le bruit des nids, le frais parfum de la ramure,
Le soleil, la chanson de l’eau sur les graviers,

  1. Le Signe ; Paris (Bibliothèque artistique et littéraire), 1897 ; in-12.