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dans la littérature contemporaine.


Ainsi dans la clarté s’ébattaient les baigneuses ;
Des regards et du jour qui monte dédaigneuses,
Leurs jupes sur le sol plaquaient de grandes fleurs.

Et toutes au désir d’un dieu qui les enlève,
Elles riaient de voir, marbre nu de leur rêve,
Proserpine se tordre au bras du ravisseur[1].

Albert Samain fut l’un des poètes les plus parfaits de cette époque. Il avait pour Versailles une prédilection particulière. Durant les dernières années de sa vie, il habitait tout près de sa ville préférée, à Magny-les-Hameaux, au seuil de Port-Royal ; il y mourut à quarante ans, le 29 août 1900.

Son poème Versailles[2] semble en avoir inspiré beaucoup d’autres, qui le rappellent sans l’égaler :

i

Ô Versailles, par cette après-midi fanée,
Pourquoi ton souvenir m’obsède-t-il ainsi ?
Les ardeurs de l’été s’éloignent, et voici
Que s’incline vers nous la saison surannée.

Je veux revoir au long d’une calme journée
Tes eaux glauques que jonche un feuillage roussi
Et respirer encore, un soir d’or adouci
Ta beauté plus touchante au déclin de l’année.

Voici tes ifs en cône et tes tritons joufflus,
Tes jardins composés où Louis ne vient plus
Et ta pompe arborant les plumes et les casques.

Comme un grand lys tu meurs, noble et triste, sans bruit
Et ton onde épuisée au bord moisi des vasques
S’écoule, douce ainsi qu’un sanglot dans la nuit.


ii

Grand air. Urbanité des façons anciennes.
Haut cérémonial. Révérences sans fin.
Créqui, Fronsac, beaux noms chatoyants de satin.
Mains ducales dans les vieilles valenciennes,

Mains royales sur les épinettes. Antiennes
Des évêques devant Monseigneur le Dauphin.
Gestes de menuet et cœurs de biscuit fin ;
Et ces grâces que l’on disait autrichiennes…

  1. Au fil de l’Heure : Le Parc enchanté ; Paris (Plon), 1898 ; in-12.
  2. Le Chariot d’Or ; Paris (Mercure de France), 1901 ; in-12.