s’était jusqu’à ce jour soigneusement écarté. De son côté, après s’être péniblement abstenu pendant quelque temps d’intervenir dans la politique, Madame de Pompadour s’affranchissait tout à coup des promesses qu’elle s’était faites à elle-même, à une heure de détresse, en raison d’accès d’humeur échappés au Maréchal d’Estrées contre le Prince de Soubise, à qui sa protection trop marquée au regard de l’armée créait un prestige incompatible avec l’autorité du Général en chef[1]. Ils étaient l’un et l’autre gagnés à la cause, faut-il tirer d’une lettre de Bernis à Duverney où l’on lit : « Madame de Pompadour et moi avons bien fait pour le Maréchal de Richelieu. Ainsi tout va bien[2]. » Néanmoins, la prudence conseillait de ne rien ébruiter à l’avance, et on se borna à inviter le Marquis de Paulmy à proposer au Roi de rappeler le Prince de Soubise pour le placer à la tête de l’armée qui lui était réservée dans le susdit plan.
vi
S’il eût connaissance du complot, le Maréchal d’Estrée n’en poursuivit pas moins sa tâche avec la sérénité d’âme qui s’alliait chez lui à une méthode calme et réfléchie, dont les heureux effets ne devaient pas tarder à se manifester. Après s’être séparé du Prince de Soubise, le 19 juin, à Bielefeld, où il avait conduit l’armée, il partageait la réserve, que ce départ laissait sans commandant, en deux corps distincts qu’il confiait au Marquis d’Armentières et au Duc de Broglie. En même temps, il éloignait de ses conseils le Comte de Maillebois, dont l’indépendance tournant à l’insubordination dépassait sa patience, en le laissant à Bielefeld, pendant qu’il en partait brusquement le 7 juillet, avec les corps précités, pour aller préparer par lui-même les opérations relatives au passage du Weser. Le 12, l’armée, qui avait quitté Bielefeld le 8, sous la conduite du Comte de Bercheny, le plus ancien des Lieutenants Généraux, rejoignait le Maréchal à l’Abbaye de Corwey, proche le village d’Hoxter, et, franchissant le Weser dans la journée du 16, venait camper au village d’Holzminden ; après le repos nécessaire, elle