Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
l’interprétation de versailles


Et l’on entend sous les murailles,
Qui déjà tressaillent d’espoir,
Cet absurde bruit de ferraille
Déchirer le silence noir[1].

Novembre 1870.

Plus tard, lors de la visite du tsar de Russie, Sully-Prudhomme réveilla en son honneur la Nymphe des Bois de Versailles, — tel est le titre de son ode.

Enfin, le peintre-graveur Marcelin Desboutins, poète à ses heures, rima sur Versailles un long poème aux allures d’épopée romantique. Ce poème a été publié, après la mort de l’artiste, par la revue Versailles illustré[2].

Mais ce fut aux poètes de la génération suivante, ceux qui reçurent l’enseignement de Stéphane Mallarmé et qui se groupèrent un moment sous le nom de symbolistes, qu’il appartint de dégager toute l’incomparable beauté des jardins de Versailles, et tout le trésor d’art, d’émotion et de sentiments qu’ils contiennent.

D’ailleurs, ils étaient singulièrement prédisposés à goûter cette beauté et à ressentir cette émotion. Deux influences s’étaient exercées sur leur formation esthétique : celle des préraphaëlites anglais et celle de la légende wagnérienne. Tous, et leurs premiers vers en font foi, étaient ardemment épris des figures troublantes et séraphiques, virginales et sensuelles à la fois, de Burnes Jones et de Dante-Gabriel Rossetti, aussi bien que d’Elsa et d’Isolde. Tous berçaient leur inspiration dans un rêve orgueilleux, sans cesse évadé de la vie commune. Un seul d’entre eux, le plus puissant peut-être, Émile Verhaeren, devait plus tard s’éprendre des tumultes modernes.

À de tels rêves, à de telles muses, il fallait quelque décor fabuleux, un parc presque irréel à force de magnificence. Ce parc, ils n’eurent pas de peine à le découvrir.

Stéphane Mallarmé, leur maître, était le causeur le plus exquis, le théoricien le plus séduisant que l’on eût jamais entendu. Ses réunions hebdomadaires étaient suivies avec une dévotion toute religieuse par les poètes de la nouvelle pléiade. Son œuvre était infiniment rare et précieuse ; elle l’était de

  1. Idylles prussiennes ; Paris (Lemerre), 1871.
  2. T. vii (1902-1903), pp. 104-106 et 117-119.