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augusta holmès.

même et cloué sur son lit de souffrance, auprès de sa femme aveugle et déjà demi-morte, envoyait alors à sa filleule garde-malade de tendres, graves et prudentes exhortations :

« Du courage, ma chère petite. Je sais ce qui t’afflige et ce qui t’effraie. Mais voici l’instant pour toi de cesser d’être enfant, malgré tes quatorze ans.

Sois plus prudente que jamais, fais tous les efforts pour ne montrer à ton père que la moitié de tes inquiétudes et pour lui cacher tes larmes.

Il lui faut le plus grand calme d’esprit et de sentiments pour se rétablir. Tout ce qui vient de toi, tu l’as assez vu, l’affecte trop profondément. »

Au besoin, il eût vu d’un bon œil qu’elle se laissât envoyer, si c’était nécessaire, dans une pension anglaise, afin de procurer à son père le repos absolu dont il avait besoin. Il déplorait que son propre état de santé ne lui permît pas de faire le voyage de Versailles. Soucieux de ménager la sensibilité impressionnable de la jeune fille, il lui recommandait d’éviter de se trouver seule avec son père, craignant le contre-coup que la vue de ses souffrances pourrait avoir sur elle. Il était toutefois pour qu’elle ne s’éloignât pas trop et préférait la voir choisir une pension à Paris, plutôt que de se laisser attirer par l’île de Wight, où habitait son oncle, « parce que, précisait-il, ce serait peut-être une trop vive douleur pour M. Holmès que de ne plus être à portée de te voir, ce qui me semble à présent son unique bonheur et sa fierté ».

Un mois plus tard, la sentant de plus en plus attirée par la musique et sensible aux louanges qu’elle provoquait par son talent précoce, il émettait au contraire l’avis qu’elle s’en allât au loin :

« L’île de Wight, sa famille, sa patrie, l’Angleterre, le milieu dans lequel elle doit vivre avec convenance, voilà ce qu’il lui faudrait en ce moment, à mon avis, surtout pour rendre à M. Holmès le calme qui n’est, je le crains, qu’apparent au Tapis-Vert de Versailles. » (Lettre du 2 mai 1862, à M. Ad. Franck.)

Mais l’action du poète sur cette filleule tant aimée avait, nous l’avons vu, beaucoup diminué du fait d’avoir imprudemment tenté d’arracher la jeune artiste à l’art qu’elle préférait. Il n’y eut pas rupture violente, mais les relations s’espacèrent au point