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augusta holmès.

fut, à partir de 1872[1], du cénacle de ces disciples fervents qu’avait su grouper autour de lui, dans la plus belle et touchante communion artistique qui fut jamais, l’apôtre incomparable. Il y aurait lieu de préciser l’exacte nature des leçons qu’elle reçut de ce maître, l’exacte mesure où elle en profita, bref, l’exacte influence — si peu sensible en son œuvre — que Franck exerça sur son talent[2]. Dès maintenant, hâtons-nous de constater qu’Augusta Holmès garda à son vieux maître une affection profonde, — j’irais jusqu’à dire : un véritable culte, — dont je ne veux pour preuve que les accents du vibrant poème qu’elle dédia à sa mémoire et que nous reproduisons ici même[3] :

À CÉSAR FRANCK

Enfants qui passez, pourquoi tremblez-vous ?
Pourquoi versez-vous ces larmes amères ?
— Il nous caressait comme font nos mères ;
Il était très bon, il était très doux !

Femme qui passez, pourquoi pleurez-vous
En semant des fleurs, sous vos sombres voiles ?
— Il nous enseignait le chant des étoiles
Que les Séraphins disent à genoux !

  1. Cette date est celle que donne M. Vincent d’Indy dans son beau livre sur César Franck (Paris, Alcan, 1906, p. 235), mais M. d’Indy la dément lui-même dans une lettre qu’il m’a fait l’honneur de m’adresser tout récemment sur ce sujet et attribue à beaucoup plus tard, aux environs de 1883, les leçons que la musicienne serait venue demander à Franck.
  2. En réalité, ainsi que l’ont affirmé MM. Reynaldo Hahn et V. d’Indy, elle ne fit jamais partie, à proprement parler, du cénacle de Franck. Je ne puis d’ailleurs mieux faire que de citer la lettre de M. d’Indy qui donne à cet égard l’appréciation la plus autorisée : « … L’éminente artiste (que j’ai connue à Versailles, dès l’année 1869…) tirait vanité d’avoir été « élève de Franck », surtout les derniers temps de sa vie.
    Mais, en réalité, elle travailla (je crois), surtout avec Saint-Saëns, et ne s’adressa à Franck que vers 1885, je crois pouvoir l’affirmer.
    Elle ne fit donc pas essentiellement partie du « cénacle » Duparc, Chausson, d’Indy, Coquard, etc…, mais vint au maître très postérieurement, alors qu’elle était en possession complète de son talent.
    Elle ne put donc recevoir que des conseils sur des œuvres déjà faites, conseils, qu’à mon jugement, elle n’appliqua guère.
    C’était une intuitie… et, si elle sentit, assez tard, le besoin de se façonner à une discipline et d’apprendre la composition qu’elle ignorait presque totalement, elle n’était plus capable, à ce moment, de redevenir élève et de profiter d’un enseignement régulier.
    Mais elle aurait arraché les yeux, après la mort de Franck, à qui lui aurait contesté ce titre d’élève. »
  3. M. J.-L. Croze l’a publié pour la première fois dans la Revue hebdomadaire du 21 février 1903.