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dans la littérature contemporaine.

dont il a révélé les œuvres posthumes, par la scrupuleuse exactitude de sa documentation, l’auteur du Sang des Races s’apparente aux romanciers naturalistes, et il peut, à certains égards, être considéré comme l’un des plus parfaits d’entre eux. Mais il est surtout un admirable écrivain classique : on ne saurait prononcer les mots de renaissance classique sans qu’aussitôt le nom de Louis Bertrand se présente à l’esprit. M. Louis Bertrand est, dans la plus haute acception du terme, un pur classique ; son œuvre, déjà considérable, lui assure une place choisie parmi les maîtres de la prose française.

La préface qu’il a écrite pour les Chants séculaires de M. Joachim Gasquet[1] se termine par une magnifique évocation de Versailles :

« … Il faut, un beau jour, — avec piété, avec recueillement, — visiter cette longue série de merveilles qui commence au vieux Louvre, et, par la cour du Carroussel, les Champs-Élysées, l’Arc de Triomphe, la Muette, Sèvres et Saint-Cloud, aboutit à Versailles. Nous sommes au cœur de la France. La nation nous apparaît ici tout entière, dans le développement majestueux de son histoire…

Nous avons parcourus l’Avenue triomphale, nous voici maintenant à Versailles, devant l’enceinte sacrée, le pomærium de la Patrie ! C’est par un clair après-midi d’octobre. La lumière douce est encore voilée de brumes. Tout le ciel a la belle couleur d’ambre des raisins d’automne. Nous longeons le Grand-Canal jusqu’au bassin d’Apollon. Peu à peu, la hauteur des terrasses s’abaisse, et tout à coup la perspective se découvre. Le décor prestigieux vient de surgir :

On voit un grand palais comme au fond d’une gloire !

Aussitôt, la vision s’amplifie jusqu’au symbole. On songe aux tristes lieux d’alentour, et l’on se rappelle que cette misère du sol fut transformée par la volonté toute-puissante d’un seul, avec le concours d’une race et d’un peuple. Ce palais, c’est le plus illustre trophée que la France ait élevé à son génie ! Pour le bâtis, les soldats ont donné leurs bras ; pour le décorer, les marchands ont apporté leur or, les artistes leurs talents ; pour l’égayer, l’aristocratie a prodigué son esprit et ses grâces. Et, de tout cela réuni, ils ont composé une chose unique, — une chose que peut-être on ne reverra plus ! et l’on sent qu’il flotte dans cette atmosphère glorieuse une idéale splendeur qui dépasse encore la splendeur visible des jardins et des édifices, et que

  1. Paris (Ollendorff), 1903 ; in-12.