parfaits : il n’est guère de descriptions plus heureuses que celles dont abonde le Jardin du Roi :
« Ils s’en allèrent à travers les parterres hérissés de statues, dans la clarté du soir tombant. Les roses, pâmées de lumière, exhalaient un long parfum. Ils s’en allèrent le long des bassins, dont l’eau bleue réfléchissait le ciel. Ils s’en allèrent par les allées profondes, au bout lointain desquelles s’ouvrait, dans l’ombre verte, un arceau d’or.….. L’admirable fin de jour, éparse en l’âme de feu sur les jardins déserts, la solennité du parc et des profonds massifs, dont le feuillage immobile respirait dans la lumière, l’odeur du sol, faite de tant de printemps et d’automnes, les marbres innombrables tout vivants du génie de l’homme sous leurs lèpres d’or et leurs mousses verdies, ce décor sans pareil se mêlait à toutes leurs pensées, dans ce lieu où frémissent étroitement unies, la vie et la mort des choses.
Inconsciemment, leurs pas les avaient menés jusqu’à cet endroit du Tapis Vert où, l’autre jour, après la visite du château, ils s’étaient séparés….. De cette minute et de cet endroit, la vie repartait pour la longue étape définitive….. Et la route s’enfonçait au loin, tout droit, dans le soleil, comme cette perspective de gloire et de clarté qu’alignait devant eux la fuite du Tapis Vert et du Grand-Canal, une trouée de lumière sur les champs de France….. »
Dans les romans écrits par Paul et Victor Margueritte sur la
guerre de 1870, et en particulier dans la Commune, bien des
épisodes, et des plus tragiques, se déroulent à Versailles.
M. Victor Margueritte a habité Versailles et l’a aimé ; mais
c’est surtout en poète qu’il en a célébré le prestige, et, de ce
poète, nous reparlerons plus loin.
Le Drapeau ou la Foi ? roman de M. Adolphe Aderer[1], évoque avec beaucoup de vie le Versailles du second Empire, et aussi le Versailles douloureux de l’occupation allemande. Mme de Néris est mariée à un officier de la Garde ; elle habite, comme l’héroïne du Jardin du Roi, la calme et aristocratique rue Saint-Antoine, au cœur du vieux quartier silencieux. Dans le parc et le plus souvent dans les jardins de Trianon, elle promène les tristesses d’une âme fière et résignée ; l’impératrice Eugénie et ses familiers, puis le roi de Prusse et le comte de Bismarck y passent autour d’elle. Des figures restées vivantes dans l’histoire versaillaise : Labonlaye, Édouard Charton, Rameau, Lefebvre,
- ↑ Paris, Calmann Lévy, 1908 ; in-12.