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l’interprétation de versailles

contribué à faire naître, ils lui préfèrent les sentiers riants de Trianon :

Versailles, la pompe étonnée
Cède aux grâces de Trianon…

écrit Lebrun ; et Bertin, Florian, Delille vantent à l’unisson les nouveaux jardins et la nature libérée.

Enfin, c’est la Révolution, et c’est la solitude sur Versailles délaissé. La destinée du château royal demeure longtemps incertaine. Un grand poète découvre le charme poignant de cet abandon : André Chénier croit trouver, au milieu de la tourmente, un refuge dans une petite maison de la rue Satory, refuge, hélas ! bien précaire et bien momentané. C’est là qu’il compose son Chant magnifique, Hymne sur Versailles :

Ô Versailles, ô bois, ô portiques !
Marbres vivants, berceaux antiques,
Par les rois et les dieux élysée embelli,
À ton aspect, dans ma pensée,
Comme sur l’herbe aride une fraîche rosée,
Coule un peu de calme et d’oubli.

Les chars, les royales merveilles,
Des gardes les nocturnes veilles.
Tout a fui : des grandeurs tu n’es plus le séjour,
Mais le sommeil, la solitude,
Dieux jadis inconnus, et les arts, et l’étude
Composent ajourd’hui ta cour !

Ducis, le doux poète versaillais, ne se laisse pas émouvoir par le souvenir des fastes abolis ; il ne chante ni les palais, ni les jardins ; il réserve toute sa prédilection pour la pleine campagne et pour les bois environnants :

Un jour, au bois de Satori,
Rois des amants et des poètes,
Bois charmant que j’ai tant chéri,
Dont j’ai su les routes secrètes.
Je descendais seul, m’en allant
Le soir, ma promenade faite,
Le front paisible, d’un pas lent,
Regagner mon humble retraite…

Versailles inspira peu Fontanes et Legouvé, moins encore Casimir Delavigne, qui, tout jeune, rima en son honneur la plus médiocre de ses élégies.