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augusta holmès.

soit rendu, celui que très simplement et très modestement, sachant combien l’art est difficile et quel est le prix de la sincérité, nous tentons d’apporter en ces pages.

On venait là pour entendre la voix chaude et vibrante de la jeune Augusta. « Voix intelligente, écrit Villiers, qui se pliait à tous les registres et faisait valoir les moindres intentions d’une œuvre. » — « Voix profonde et mordante, précise Theuriet, qui causait une sensation pareille à l’odeur envahissante de certaines fleurs exotiques. » — « Voix unique par le timbre et l’expression, rapporte M. Henri Gauthier-Villars, dont l’étendue allait du contre-fa au si bémol aigu. » Mais voix nettement accusée de contralto dramatique, plus belle dans le grave. Belle ? Mieux que belle. Et cultivée ? Non point. Elle n’était qu’un don naturel de plus parmi tous ceux dont il semblait qu’une fée eût, à son berceau, paré cet être exceptionnel. Mais il parachevait la séduction qu’elle exerçait. On écrirait avec les témoignages que j’ai cités et maints autres encore les litanies de cette voix qui eût ému des pierres. Augusta Holmès chantant et accompagnant elle-même au piano ses propres œuvres, paroles et musique entièrement d’elle, — créatrice et interprète à la fois, et s’enivrant, et se donnant, et se transfigurant, c’était un torrent de charme, un éblouissement sonore, un envoûtement susceptible d’ôter leur sang-froid aux critiques et de les illusionner même en une certaine mesure — j’imagine que c’est ce qui dut plus d’une fois se produire — sur la valeur intrinsèque d’une œuvre que nous ne pouvons plus, aujourd’hui que cette belle voix n’est plus là pour la soutenir, admirer sans quelques réserves.

La voix d’Augusta Holmès survivra même à sa jeunesse, à l’éclat de sa beauté, à sa gaîté. Fanée par l’âge et meurtrie par la vie, elle chantera encore, et cette voix fatiguée, éraillée même par les épreuves auxquelles elle l’aura soumise, non seulement gardera sa force de séduction, mais accroîtra sa puissance d’expression, se chargera d’un nouveau prestige : l’accent profondément pathétique et humain d’une douleur qui, trop fière pour se formuler par des mots, simplement s’exhale en beauté sonore. Ainsi nous l’a peinte Léon Daudet, quand il entendit chez son père, aux soirées musicales de Champrosay :

« Elle chantait, — écrit-il dans Fantômes et Vivants, —