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augusta holmès.

Enfin, la belle jeune fille décrite par André Theuriet dans son roman intitulé Mademoiselle Guignon, sous le nom de Mira Strany, musicienne hongroise, n’est autre qu’Augusta Holmès : « Déjà formée, très blanche, ayant de petites mains et de petits pieds, une bouche mignonne et dédaigneuse, et un grand front intelligent… [« La bouche d’une enfant et le front d’un penseur », disait-il d’Augusta elle-même.]… Blonde, avec des sourcils et des yeux noirs, ce qui donnait à sa physionomie un accent étrange. »

La maison de la rue de l’Orangerie, où trônait l’enfant prodige, attirait un cénacle de gens de lettres et d’artistes. Le père d’Augusta, beau vieillard à la haute taille, au regard clair, à l’imposante barbe blanche, leur était accueillant. Artiste lui-même, et très original, il avait présidé en personne à la décoration de son intérieur et s’était amusé à reproduire au fond de son jardin une sorte de Westminster en miniature que, certains soirs, il éclairait aux bougies. Ses fantaisies, toutefois, n’avaient pas un caractère frivole. « Un salon d’un goût très sévère, — écrit Villiers de l’Isle-Adam, — décoré de tableaux, d’arbustes, de statues et d’anciens livres. » En ce cadre, l’écrivain fixe l’image d’une « svelte jeune fille » assise au piano. Il la peint d’un mot : « une figure d’Ossian ». Il n’ose approfondir cette première impression charmante. Il craint une déception. Il redoute — ce sont ses propres termes — « que la déplorable influence d’une quelconque Mme de Staël n’ait déjà perverti d’un sentimentalisme rococo l’artiste enfant, — que des lectures trop assidues de Corinne ou l’Italie n’aient étiolé déjà le naturel en fleurs, la spontanéité sincère, la sainte vitalité de ce jeune esprit ». Il est vite rassuré : « Dès son accueil franc et cordial, je reconnus que je n’étais nullement en présence d’une personne emphatique et qu’Augusta Holmès était bien un être vivant. »

Un être vivant ! C’est le seul vrai et le plus sûr prestige. Qui le possède, et le mérite, et le fait reconnaître, et le laisse émaner de soi, est sauvé de la mort totale, a droit qu’à sa mémoire, — même si la mode a changé, même si sur l’œuvre laissée en témoignage des réserves s’imposent, — un hommage posthume