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augusta holmès.

Mais il advint que Vigny s’effraya à son tour du goût trop prononcé de sa filleule pour la musique et ne dissimula pas ses craintes :

« Tu fais bien de dessiner. Repose-toi un peu du piano. Copie Flaxman. Cet art silencieux a cela de bon qu’il occupe sans absorber entièrement l’esprit, que l’on peut réfléchir à sa vie sans cesser de modeler de belles formes et que l’on n’a pas besoin de la conversation et de l’applaudissement des indifférents. »

« La pauvre enfant, disait-il encore, elle ne sait plus ce qu’elle est et ce qui lui convient d’être ! Les notes et les compliments l’enivrent. Elle croit aux rois du clavier et aux grands compositeurs qui ont un accès d’inspiration dans une réclame de journal… »

Ce blâme discret ne fut sans doute pas du goût de la jeune musicienne. Peut-être aussi les conseils qu’à d’autres égards lui donnait son illustre tuteur gênaient-ils un peu son humeur indépendante :

« Tes quatorze ans ont déjà l’apparence de seize ou dix-sept, et il est bon que tu en aies aussi la tenue sérieuse. »

De fait, sa beauté de plus en plus chaude[1], alliée au prestige de son génie naissant, commençaient à faire d’elle un être de séduction.

« L’aspect de cette jeune personne fort belle sous ses abondants cheveux dorés — écrivait Villiers de l’Isle-Adam, qui avait été présenté dans le salon de Mme Holmès par la baronne Stoffel, — éveille l’impression d’un être de génie….. Mlle Holmès marche avec des allures de vision qui lui sont naturelles : on la dirait une inspirée. »

À dix-huit ans, sa beauté rayonnait : « Grande et forte, majestueuse et calme, avec des cheveux d’or fin qui lui tombaient en nappe sur le dos et ses yeux vert d’iris qui nous rappelaient la mer d’Irlande, elle était moins femme que déesse », — au témoignage de Clairin, qui constate que le prestige d’une beauté si éclatante était plutôt une sauvegarde, — car, ajoute-t-il, « tout en l’aimant à la folie, elle ne nous inspirait que du respect ».

Sur cette beauté, les témoignages abondent et concordent.

  1. Elle en avait conscience, s’il est vrai, comme je l’ai vu raconter, qu’à cet âge elle s’amusait à poser elle-même et à faire son propre portrait devant sa glace, en académie.