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augusta holmès.

Elle s’essayait à la composition[1]. Elle se reposait d’un art par l’autre, de la musique par la peinture, et ne quittait le piano que pour le chevalet ou la bibliothèque. Elle mettait une sorte de point d’honneur à paraître en avance sur son âge. « C’est une chose affreuse, écrivait-elle en 1860, d’être traitée de petite fillette à mon âge et avec ma dignité. C’est tout à fait mal de dire que je n’ai pas grandi, car je me suis mesurée moi-même et j’ai grandi immensément… Je travaille beaucoup ma musique et je suis allée à un concert organisé par ma maîtresse (c’était alors Mlle Peyronnet) ; j’ai joué contre toute une bande de demoiselles, toutes plus âgées que moi, et ma maîtresse dit que je les ai toutes battues à plate couture. »

La lettre que je viens de citer, et qu’ont publiée tour à tout MM. Ernest Dupuy et Léon Séché dans les ouvrages qu’ils ont respectivement consacrés à Alfred de Vigny, était écrite en anglais et adressée à Mme de Vigny pour excuser le fait de n’avoir pas répondu à une lettre que son mari avait écrite à Augusta.

Et c’est ici le lieu d’aborder avec quelque détail la question des rapports du poète et de la jeune artiste.

Vigny, fidèle au souvenir de Mme Holmès, avait reporté sur la fille, en le transposant, le tendre intérêt que lui avait inspiré la mère. Il lui prodiguait les sages conseils, l’entourait d’une sollicitude quasi paternelle, surveillait son éducation. Mais il ne semble pas que l’enfant l’ait toujours bien payé de retour. Certes, elle aimait à évoquer le temps où Vigny la juchait sur une table pour lui faire débiter des fragments d’Eloa, ou bien encore, se mettant lui-même au piano (car il était bon musicien), lui apprenait une chanson espagnole qu’il goûtait fort et que Berlioz aimait à chanter :

Yo que son contrabundista.

  1. Dee cette époque date le Chant du Chamelier. Cette première œuvre, adaptée à des paroles en prose de Louis de Lyvron, a déjà des qualités expressives, une couleur discrètement exotique, un rythme nonchalant, un accent rêveur.