Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
madame de pompadour

avec passion les problèmes politiques et sociaux qui agitaient cette ardente époque, dans la coterie des Nivernois et des Mirabeau, par exemple, où il fréquentait assidûment, on le regardait comme le seul des Ministre du Roi à qui il appartînt « d’accorder le Corps Ecclésiastique et le Corps Civil », dont les dissentiments troublaient depuis tant d’années la tranquilité du Royaume. Peut-être même avait-il fini par s’en convaincre, et n’était-ce point par ambition vulgaire ou vile cupidité, mais par la force d’une confiance raisonnée dans les services qu’il se croyait en mesure de rendre encore au Roi, que nous voyons Bernis solliciter — car, soit dit en passant, il perdait beaucoup à la résignation de sa charge[1] — les moyens honnêtes de continuer à lui être de quelque utilité dans le Conseil. Évocation, d’ailleurs, bien fragile à l’ancienne amitié de Madame de Pompadour. Depuis plusieurs semaines, la Marquise avait pris le parti d’abandonner Bernis à ses œuvres, en marquant dans ses conversations publiques une profonde indifférence pour le Cardinal, ou en lui déclarant, lorsqu’elle le rencontrait, ne rien savoir des projets du Roi. Bien plus, elle avait profité de la rentrée au Conseil du Marquis de Puysieulx, un de ses favoris des premiers temps, et du Maréchal d’Estrées, toujours cher au Roi, pour y pousser l’ancien Intendant de police, déjà membre du Conseil des Dépêches, Berryer, qui l’avait fidèlement servie dans ses luttes avec la Cour et dont l’inimitié notoire pour Bernis indiquait de sa part un calcul prémédité à faire passer l’influence en d’autres mains.

Aussi se détermine-t-il, constamment éconduit par Madame de Pompadour, à représenter à Louis xv, sur un ton dont il n’est plus le maître, le besoin où il se trouve, en raison de ses audiences aux Ambassadeurs étrangers, de connaître les intentions du Roi à son égard. « Je n’aurais jamais demandé à quitter le Département qui m’était confié — lui écrit-il le 30 octobre — si j’avais pu espérer d’en remplir les engagements ; mais V. M.

  1. En renonçant à la charge de Secrétaire d’État, Bernis perdait 80, 000 livres de rentes et restait avec 300, 000 écus de dette, y compris son établissement, et sa calotte allait lui coûter 100, 000 livres « tant à Rome qu’à la Cour et pour le Camérier ». Comme, d’autre part, on ne touchait les revenus d’une abbaye qu’près dix-huit mois, il lui fallait attendre un an pour percevoir ceux de l’abbaye des Trois-Fontaines, au diocèse de Châlons-sur-Marne, dont il avait été pourvu en juin 1758.