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bernis et la guerre de sept ans.

lui apparaît plus que jamais comme l’unique voie par laquelle on puisse arriver à endiguer sur l’un et l’autre continent le cours des malheurs communs. Trop engagé par sa politique antérieure pour en soutenir hardiment l’idée dans le Conseil, il pense à résilier sa charge entre les mains de Stainville, qu’il regarde comme seul en état « de dénouer un système auquel rien ne le lie, puisqu’il n’a pas fait les traités » [1], ou de continuer la guerre avec moins d’entraves et plus de bonheur qu’il n’en a eus. De là, entre lui, Stainville et Madame de Pompadour, une longue correspondance qui dure tout l’été de 1758, où il s’efforce d’amener l’Ambassadeur et la Marquise, « pour le bien de la chose et dans l’intérêt de l’amitié », — car sa santé ébranlée lui rend le travail fort pénible, — à adhérer à ses vues[2]. Comme toujours lorsqu’on a recours à lui, Stainville, ou le Duc de Choiseul, ainsi qu’il faut l’appeler dorénavant, — le Roi venant d’ériger son fief Lorrain en Duché-Pairie héréditaire sous ce titre[3], — fait la sourde oreille, pose des conditions, tout en paraissant résigné à accepter la succession si le Roi le désire véritablement, et consent à lui rendre sa liberté dès que la paix sera conclue, et surtout « si les fonds destinés aux subsides sont établis de manière à lui enlever toute crainte de manquer à sa parole ». À l’heure présente, l’important pour Bernis consiste moins à régler à la hâte avec son interlocuteur les modalités de la combinaison qu’il lui soumet, qu’à le décider promptement à s’y ranger. Il est des difficultés — pense-t-il — qui s’aplanissent lorsqu’on s’est déterminé à les affronter, et l’éventualité d’une entente entre le Duc et la Marquise, dans le but de repousser ses ouvertures, le préoccupe bien davantage. Afin d’y parer et de s’accorder directement avec Choiseul, il reprend aussitôt la plume et, dans un chaleureux appel à l’intérêt de leur commune amie, « qui n’a pas suffisamment réfléchi à la bonté du projet », il lui fait — dirons-nous en substance — l’aveu ému du secours qu’il attend de ses lumières, « puisqu’on n’a pas voulu lui laisser assez d’autorité pour empêcher de bonne heure tout ce qui aujourd’hui ruine nos affaires de fond en comble ». Évoquant,

  1. Mémoires de Bernis.
  2. Ibid.
  3. 25 août 1758.