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madame de pompadour

qu’on distribuât les troupes au bas Rhin, sur la Roër et la basse Lippe, de manière à faciliter la communication entre Dusseldorf, Cologne et Coblence, et dans le haut Rhin, sur la Lahn et à la gauche du Main, afin de couvrir une partie des Princes de l’Empire, inquiétés par notre retraite, et de se mettre à portée de fournir à la Cour Impériale les secours stipulés par notre alliance. Mais où les prendre ? Les forces du Royaume étaient employées en Allemagne, en Flandre et sur nos côtes. Par un procédé auquel recourait trop facilement le Cabinet de Versailles dans les circonstances embarrassantes, on n’hésita pas à retirer au Comte de Clermont 25 bataillons et 12 escadrons pour les faire passer dans le haut Rhin et les joindre aux contingents échappés au désastre de Rosbach et occupés à leurs réparations sur la rive droite de la Moselle. En échange, on envoyait au Prince 13, 000 hommes de milice, et, avec le retour des 15 bataillons les plus éprouvés par la campagne qu’on avait rappelés dans les provinces limitrophes du Royaume, on lui garantissait un effectif combattant de 60, 000 hommes de pied et de 20, 000 chevaux, auquel il aurait la faculté d’ajouter les 4, 000 Palatins déjà incorporés et les 20, 000 Saxons qu’on attendait à bref délai.

On a vu avec quelle irritation le Maréchal de Richelieu s’était séparé, au mois d’octobre précédent, d’un détachement de son armée. Pouvait-on s’attendre à plus de complaisance de la part du Comte de Clermont ? « Je sais — écrivit-il sur l’heure à Crémilles — ce que c’est que des armées ainsi combinées ; je ne veux pas faire le second tome de M. de Soubise. Le Roi m’a mis à la tête d’une armée française ; j’aime mieux les bataillons français à trois cents hommes que ceux qu’on veut me proposer à mille. » Madame de pompadour, Belle-Isle essuyent tour à tour les accès de sa colère : « Affaibli, sacrifié, dans quelles conditions le mettait-on pour défendre le Rhin ? Wesel ne pouvait pas tenir six jours ; Dusseldorf valait encore moins. Autant se décider tout de suite à reculer derrière la Moselle et la Meuse », leur mandait-il en substance[1]. À la Cour, où tout semble perdu, les interpellés de répondre aussitôt à ce vif et

  1. Clermont à Crémilles, 7 avril ; à Belle-Isle, 11, 12 et 13 avril ; à Madame de Pompadour, 12 avril 1758. Papiers Clermont, tome iii. — Camille Rousset.