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une lettre de ducis à larive.

prodigué des avantages qu’elle accorde rarement, et il y avait plusieurs rôles, tels que celui de Montaigu, de Brutus, d’Œdipe, de Cinna, d’Oreste, etc., où son talent laissait peu de chose à désirer. Ses camarades, à l’exception du sieur Molé, ont fait tout ce qui dépendait d’eux pour lui faire changer de résolution, mais leurs démarches ont été inutiles. Il s’est mis sous la protection de M. l’Archevêque. Le sieur Florence, qui connaissait l’extrême sensibilité de son amour-propre, a été le plus empressé à détourner l’orage, car, au moment où il fut si cruellement sifflé, il était en scène avec lui. « Eh bien, lui disait Larive en fureur, les infâmes ne me reverront plus. — Mais, mon ami, lui répondait tout bas le bon Florence, tu te méprends ; c’est moi, c’est moi que l’on hue. » Une partie du parterre s’est avisée, ces jours passés, de redemander Larive dans le rôle d’Achille, d’Iphigénie en Aulide, mais un autre parti a crié plus fort : « Nous n’en voulons plus » ; et, à la fin du récit d’Ulysse, on a saisi l’hémistiche : La rive au loin gémit, pour lui en faire une triste application. Voilà les jeux du public, à qui l’on immole sa vie et son repos ! »

La paix, on le voit, était faite entre Larive et son camarade Florence.

Cependant, l’absence du comédien laissait un vide ; il fallut le rappeler, et il rentra au théâtre en 1790, comme acteur libre, après une démarche faite par les sociétaires, qui, désirant se passer de Talma, voulaient faire appel à tous les concours. L’abbé Gouttes, ancien vicaire au Gros-Caillou, et président de l’Assemblée Nationale, a beaucoup contribué à sa rentrée, qui eut lieu le 4 mai 1790, dans le rôle d’Œdipe, de l’Œdipe de Voltaire[1]. Il était convenu qu’il n’aurait aucune part dans les bénéfices et qu’il toucherait des appointements fixes par représentation. En outre, il ne devait créer aucun nouveau rôle. C’est ainsi qu’il reparut dans Spartacus, La Mort de César, Le Misanthrope et Don Juan.

Le 11 juillet 1791, il prit part à la translation des restes de Voltaire au Panthéon.

(À suivre.)

E. Mareuse.
  1. Correspondance de Grimm, tome xvi, page 26.