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bernis et la guerre de sept ans.

nous — les troupes n’ont eu la moindre confiance en lui, et ceux qui ont péri sous ses ordres sont regardés avec raison comme des victimes immolées à la faveur. La confiance en M. de Richelieu n’est pas beaucoup plus grande ; mais cependant, comme il est le plus ancien des Maréchaux de France en état de faire la guerre à votre refus, on trouve tout naturel de servir sous ses ordres, on espère en sa fortune et on juge avec raison que le courage qu’il a joint à beaucoup d’esprit le mettra en état de suivre avec audace les bons conseils qu’il pourra recevoir, mais il faut nécessairement qu’on l’éclaire ; et qui l’éclairera, si ce n’est vous. » C’est pourquoi l’implore-t-il, l’âme navrée par le spectacle de notre militaire, pour qu’il vienne prendre le commandement de l’armée du Roi, et, si la chose n’est pas possible, pour qu’il donne un successeur à son ami M. de Soubise et se rapproche de son ennemi M. de Richelieu. De la même manière qu’il ignorait sans doute les manœuvres occultes qui avaient conduit Soubise à Rosbach, le Comte de Gisors ne pouvait soupçonner la tournure qu’allait prendre les événements lorsqu’il adressait cette lettre à son père, en quittant le pays d’Halberstadt. Il écrivait comme on pensait autour de lui, et s’il chargeait à fond le Prince de Soubise, s’il demandait des ménagements pour le Maréchal de Richelieu, ses raisonnements témoignent d’une profonde douleur pour ce qui ressemblait à des faiblesses de la part du vieux Maréchal envers Madame de Pompadour. Sans qu’il ait pu ou voulu s’y opposer, la Marquise avait fait obtenir un haut commandement à son incapable ami, et il avait négligé le bien de l’État par rancune contre le Maréchal de Richelieu — sentait avec amertume le jeune colonel du régiment de Champagne.

Avec autant de véhémence et sous l’effroi de l’opinion déchaînée contre Madame de Pompadour et son ami : « Jugez dans quel état nous sommes ! Jugez la situation de notre amie. Le public aurait pardonné le commandement de M. de Soubise à la faveur d’une victoire », mande à son tour Bernis à Stainville, le 14 novembre[1]. Enclin pour quelques heures encore à exalter la conduite de Richelieu, qui, à l’entendre, « a marché avec courage et tête à la rencontre de notre armée, et paraît

  1. Mémoires de Bernis.