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bernis et la guerre de sept ans.

grand secret et, apr ! s avoir longuement discuté sur l’opportunité de l’alliance, aboutirent, en décembre, à une convention de neutralité et à un traité d’union et d’amitié défensif qui furent signés le 1er janvier 1756, et en vertu desquels, « saud la présente guerre maritime entre la France et l’Angleterre, les deux Cours contractantes s’engageaient à se fournir réciproquement un secours de 24, 000 hommes dans le cas où leurs possession d’Europe viendraient à être menacées ». C’était garder sa liberté en liant éventuellement l’avenir par une clause de concours armé ; mais, pour peu qu’on examine l’esprit du traité, on est frappé du contraste qu’on voit se former tout à coup entre les avis maintes fois exprimés par Bernis en vue du maintien de la paix européenne et l’engagement qu’on prenait de propos aussi délibéré. Qui donc, en effet, pouvait songer à attaquer les États héréditaires de la Maison d’Autriche, sinon le Roi de Prusse, notre allié ? Nonobstant, à la Cour, on ne voyait pas les choses d’un œil aussi perplexe, et une autre influence que celle de Bernis semble avoir pesé sur les délibérations, si l’on se réfère aux lettres que Madame de Pompadour adressait à Stainvile après l’échange des signatures : « J’espère que la justice de notre cause nous portera toujours bonheur — lui écrivait-elle le 28 janvier — et que nous ferons repentir cette féroce nation d’avoir pris pour faiblesse ce qui était l’effet de la politique la plus sage et la plus raffinée. Je ne vous ai pas caché le plaisir que les traités avec l’Impératrice m’ont fait. Le public, bien qu’il ne sache pas à quel point ils sont avantageux, en a marqué une joie immodérée. C’est une double satisfaction pour ceux qui y ont pris part[1]. »

On avait effectivement réservé la publication du traité, parce qu’on tenait à s’assurer formellement des dispositions réelles de l’Angleterre et de la Prusse à notre égard. Aussi plut-il au Roi d’envoyer une dernière sommation à George ii, sous menace de regarder la guerre comme ouverte entre les deux nations s’il s’obstinait à lui refuser une réponse explicite. À l’appui de sa décision, Il appelait, le 27 décembre, le Maréchal de Belle-Isle, doyen des Maréchaux de France, au commandement

  1. Général de Piépape. — D’après Bernis, la nation avait applaudi au traité de Versailles parce qu’elle avait follement cru qu’il assurerait la paix.