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MADAME DE POMPADOUR
BERNIS ET LA GUERRE DE SEPT ANS

(Suite.)

VIII

Avec Bernis aux Affaires Étrangères, Stainville auprès de l’Impératrice-Reine, Madame de Pompadour pouvait regarder comme accomplie la première partie de son œuvre. Il dépendait à présent des talents militaires de Richelieu, ou de ses passions jalouses et égoïstes, d’en assurer l’issue finale ou de la précipiter dans l’abîme. Là gisait l’énigme, quelque jactance qu’elle mît à n’en point paraître autrement troublée, qui tenait son esprit dans une profonde anxiété.

Arrivé dans la soirée du 3 août au Grand Quartier Général d’Ohsen-Hagen, le nouveau Commandant en chef de l’Armée d’Allemagne avait eu le lendemain son entrevue avec le Maréchal d’Estrées. Rien dans l’attitude du Général auquel il venait enlever le prix de la victoire ne lui fourni l’ombre d’un froissement : après trois jours employés à donner et à recevoir connaissance de l’état de l’armée, on prit congé sans humeur, sans phrases, avec une froide contrainte. L’armée elle-même s’était fait une loi du silence : à Hanovre où il avait porté son Quartier Général le 11 août, il voulut la passer en revue ; à l’heure indiquée, il apparut gai et dispos, le chapeau toujours à la main malgré un temps détestable, s’arrêtant et parlant à chaque commandant de bataillon ; il s’efforçait visiblement de plaire à tous, mais la recherche d’une satisfaction toute personnelle perçait trop à travers ces délicates attentions pour que les cœurs battissent à l’unisson. Il fallait à Richelieu une victoire prompte, définitive, qui fît oublier l’autre, et cette victoire, c’est sur les Hanovriens vaincus, affaiblis et démoralisés qu’il courait la chercher. L’armée ne s’y trompa point[1].

  1. Camille Rousset.