Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
la biliothèque de versailles

manière qu’il aurait fallu la destruction de la Bibliothèque pour les trouver.

J’aurais aussi voulu pouvoir soustraire aux regards tous nos ouvrages rares et curieux, mais j’avais l’espoir qu’ils resteraient inaperçus au milieu de la masse de nos livres.

Il y en eut cependant un qui, par son volume, la beauté de ses peintures, la richesse de son enveloppe, pouvait attirer les regards des curieux étrangers et peut-être donner l’envie de l’enlever comme un trophée de victoire ; c’est le magnifique volume du Carrousel de 1662, peint par Bailly, le grand-père du maire de Paris, pour le roi Louis xiv, exemplaire unique, qui traversa avec peine la Révolution et échappa aux invasions de 1814 et de 1815.

Au moment où je me préparais ainsi à recevoir les ennemis, vous faisiez transporter dans nos salles les registres les plus précieux des archives de la Mairie, ainsi que ceux de l’État-civil, et vous y établissiez ce bureau ; nous recevions aussi les manuscrits et les livres des bibliothèques des mess de l’artillerie et des voltigeurs de l’ex-garde impériale.

Par suite de l’établissement du bureau de l’État-civil dans nos salles, la Bibliothèque resta tous les jours ouverte pendant tout le temps de l’occupation prussienne, et j’en profitai pour recevoir les travailleurs qui ne cessèrent pas un seul jour de la fréquenter.

Je dois ajouter que la présence continuelle des employés de l’État civil, de ceux de la Bibliothèque, des lecteurs rangés autour des tables, et du mouvement des allants et venants qui se succédaient pour diverses déclarations de naissances et de morts, n’ont sans doute pas peu contribué à tenir en respect les visiteurs des armées étrangères.

Les premières semaines de l’occupation se passèrent fort calmes et nous ne reçûmes aucune visite allemande ; mais elles commencèrent lorsque le Roi fut arrivé à Versailles et que tout son état-major de princes et de nobles de toute sorte se fût établi dans les divers quartiers de la ville.

La première visite que je reçus fut celle du duc régent de Saxe-Cobourg-Gotha. Il vint à la Bibliothèque, accompagné d’un aide de camp ; tous deux parlaient parfaitement le français et furent d’une extrême politesse. Le duc me parut très