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la biliothèque de versailles

Outre ces visiteurs de marque, la Bibliothèque reçut presque quotidiennement des officiers de tout grade que M. Le Roi, se souvenant, nous dit-il, du pillage des bibliothèques de Saint-Cloud et de Saint-Cyr, fit toujours accompagner avec grand soin par des employés.

À vrai dire, M. Le Roi avait pris d’autres précautions : le meilleur moyen de n’être pas volé, c’est de ne pas tenter les voleurs ; aussi, avant même l’arrivée des Allemands, tous les objets précieux : crosses des abbesses de Maubuisson, monnaies d’or et d’argent de la collection Angelot, furent enfermés dans des cachettes pratiquement introuvables. Les livres rares furent laissés en place, M. Le Roi estimant, non sans raison, qu’ils seraient comme perdus dans la masse des autres. Une seule exception fut faite pour le magnifique recueil des gouaches du Carrousel qui, lui aussi, fut caché aux regards ; cette précaution manqua d’être illusoire, n’eût été la présence d’esprit de mon prédécesseur.

Après avoir déjoué la curiosité des visiteurs, M. Le Roi allait, en effet, connaître d’autres inquiétudes : au mois de novembre, un nommé Louis Schneider, lecteur du Roi de Prusse, vint demander, au nom de son maître, un certain nombre d’ouvrages à gravures qu’il se proposait d’exposer dans le grand salon de la Préfecture, à l’heure du thé ; les invités du Roi devaient y trouver leur plaisir. De telles prières sont des ordres et il fallut bien s’y conformer. Mais parmi les livres demandés se trouvait le fameux Carrousel, que, sans doute, quelque Allemand avait admiré avant la guerre et n’avait pas oublié. Faudait-il tirer de sa cachette le très précieux volume ? Heureusement, M. Le Roi s’avisa qu’outre notre magnifique exemlaire peint à la gouache pour Louis xiv, nous en possédions un autre où les gravures de Silvestre étaient restées en noir : c’est ce second exemplaire que, feignant l’ignorance, mon prédécesseur communiqua au Roi, qui voulut bien s’en montrer satisfait. À plusieurs reprises, des livres furent ainsi prêtés à Guillaume Ier ; et il est à remarquer que, grâce aux conseils du bibliothécaire, les choix du lecteur du Roi se portèrent sur des ouvrages de moins en moins rares ; il finit par se contenter de quelques tomes du Tour du Monde ; à l’en croire, c’était du reste tout ce qu’il fallait. M. Delerot cite à ce sujet un mot de ce