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pendant la guerre de 1870.

duc de Saxe-Cobourg-Gotha vint visiter la Bibliothèque, accompagné d’un aide de camp. « Tous deux parlaient parfaitement le français, dit M. Le Roi dans son rapport, et furent d’une extrême politesse. Le duc me parut très instruit et surtout très au courant de la littérature française. Il parcourut avec l’intérêt d’un amateur toute notre Bibliothèque, examina avec attention nos éditions rares et s’arrêta particulièrement aux livres de Marie-Antoinette et Mme du Barry. Pendant cette visite, qui dura plus de deux heures, j’étais fort inquiet, car, le voyant si amateur, je craignais toujours qu’il ne lui prit la fantaisie de s’en administrer quelques-uns, ce qui, heureusement, n’eut pas lieu. »

Le 31 octobre, ce fut le tour du prince Luitpold de Bavière, le futur régent, et de son fils, Louis, dernier roi de Bavière ; Luitpold s’intéressa surtout aux souvenirs de Louis xiv et, notamment, s’attarda à feuilleter les recueils de gravures représentant les grandes fêtes de Versailles. Enfin, le Prince Royal de Prusse, connu dans l’histoire sous le nom de Frédéric iii et père du Kaiser détrôné, vint à la Bibliothèque le 26 novembre, accompagné de nombreux généraux. « Le prince, — nous dit M. Le Roi, qui, relevant d’une grave maladie, était descendu de son appartement en robe de chambre, — le prince visita toutes les salles, examina nos recueils sur Versailles et fut d’une très grande amabilité, m’annonçant même que très probablement il enverrait à notre Bibliothèque quelques ouvrages sauvés, disait-il, de l’incendie de Saint-Cloud ; ce qui ne se réalisa pas. »

Une tradition qui m’a été transmise par mes prédécesseurs et que, du reste, M. Delerot a pris soin de noter dans son beau livre[1], veut que le Prince Royal soit monté sur une de nos grandes échelles roulantes, véritables monuments tenant de la chaire à prêcher et de la machine de guerre, pour voir de près la vue de Berlin par Van Blarenberghe qui surmonte, dans la grande galerie, la porte de la salle de Mesdames. Il put ainsi admirer à loisir la spirituelle image de sa capitale, et, au premier plan, bien en évidence aux portes de la ville, les tentes blanches d’un camp et le défilé de la garde prussienne, au pas de l’oie…..

  1. E. Delerot, Versailles pendant l’Occupation, édit. de 1900. p. 314, note 1.