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madame de pompadour

pas apporté de solution à la querelle et de calme dans les consciences. Trop fine pour mécontenter le Roi en manifestant ouvertement son sentiment dans une affaire dont Il aurait voulu se réserver la connaissance à l’exclusion de toute ingérence parlementaire, Madame de Pompadour s’en tint à une étroite observation des phases de la crise, par-dessus laquelle elle se voyait la possibilité d’atteindre les Jésuites et de se venger des humiliations qu’elle avait eu à subir lors du Jubilé. L’occasion qu’elle recherchait si discrètement, ce fut un personnage avec lequel elle n’avait eu jusqu’alors que des rapports de société, le Comte de Stainville, Maréchal de camp, un des Seigneurs de la Cour les plus distingués par leur naissance et des plus redoutables par la malice de leur esprit, qui eut la bonne fortune de la lui procurer. Madame de Pompadour n’avait pas toujours été à l’abri de sa verve ironique, mais il s’était soudainement ravisé en lui révélant, comme on sait, les manœuvres entreprises par une dame de la Cour, à laquelle il était apparenté, pour la supplanter dans le cœur du Roi. Par là s’offrait inopinément à Madame de Pompadour un secours puissant contre les complots des coteries adverses comme en faveur de ses plus intimes desseins, et, dans l’emportement de sa nature prime-sautière et reconnaissante, oubliait-elle bientôt les traits malicieux de son nouvel adorateur pour en faire un Ambassadeur du Roi auprès du Saint-Siège.

Après avoir quelque peu résisté à l’offre qui lui était faite, Stainville avait quitté la Cour le 12 septembre 1754 — un an après sa nomination — pour se rendre à Rome, muni d’instructions qui ne différaient guère — observe-t-il dans ses Mémoires — de celles que reçoivent d’ordinaire les Ambassadeurs près la Cour Pontificale, mais qui furent complétées l’année suivante, lorsque le Clergé de France eût appelé au Saint-Père de son conflit avec le Parlement de Paris. Aussitôt commence entre Madame de Pompadour et lui une correspondance familière et politique où l’amie du Roi découvre à nos yeux, pêle-mêle, avec le besoin d’arriver à un arrangement qui ramène la paix dans la nation, les vaines aspirations et les mille petits riens qui tiennent tant de place dans la vie d’une favorite infatuée de ses charmes et de sa toute-puissance. Au milieu de cette correspondance où elle touche avec une superbe désinvolture à tous les sujets — au