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madame de pompadour

n’avait à la Cour que la situation d’un illustre étranger ? Devait-elle être plus heureuse avec le Duc de Richelieu ? Retenu au loin par les événements militaires et la perspective d’une prochaine élévation au Maréchalat, celui-ci ne songeait guère, dans ses courtes apparitions à Versailles, qu’à se conserver les bonnes grâces du Roi, loin de se faire le champion des cabales qui le regardaient à tant de titres comme l’homme indispensable pour ruiner en peu de temps les « ridicules » visées de « l’ambitieuse parvenue ». Mais Richelieu appartenait à la Cour, et s’il en possédait l’esprit brillant et les allures séduisantes, il en ressentait plus qu’un autre peut-être les jalousies et les égoïsmes, ainsi qu’on en peut juger par cet incident survenu entre lui et la Marquise à son retour de Gênes, en janvier 1748, d’où il rapportait le bâton si ardemment convoité. Avec l’assentiment du Roi, Madame de Pompadour avait organisé en son absence, dans cette partie du château de Versailles sur laquelle s’exerçait la juridiction des premiers Gentilshommes de la Chambre et en dehors d’eux, des scènes de comédie dont les interprètes appartenaient à son intimité et auxquelles le Roi, alors très épris de sa Maîtresse, trouvait un attrait particulier. Or, Richelieu venait d’entrer en année, et n’étant point d’humeur à laisser s’amoindrir sa charge, il donna aussitôt des ordres qui tendaient à la suppression complète de l’innovation et à la remise des lieux, transformés aux goût de la Marquise, en leur état primitif. Mal lui en prit : indigné, le Roi le somma en termes très vifs de retirer son intempestive décision et d’adresser des excuses à Madame de Pompadour ; forcé d’en venir là, Richelieu s’exécuta sans aigreur apparente, reconnaissant sa légèreté, son erreur, et se défendant d’avoir jamais nourri la moindre intention désobligeante pour la favorite : mais, plus froissé au fond qu’il ne voulait le paraître, il voua, dès ce moment, à l’inoffensive Marquise une profonde inimitié[1].

Sur ces entrefaites, la paix qui vient d’être signée et dont les résultats n’ont pas répondu aux espérances de la nation, après de si éclatantes victoires, a suscité un nouvel ennemi à Madame de Pompadour. L’opinion publique s’irrite de la voir constam-

  1. M. P. de Nolhac, Madame de Pompadour.