Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/85

Cette page n’a pas encore été corrigée

64 LA REVUE DE L'ART quences imprévues vont nous amener les noms inattendus de tant d'artistes, inconnus hier, qui, tout d'un coup, viennent ainsi faire leur apparition dans l'histoire de l'art. Un livre des plus précieux, la Storia dell' arte italiana, que j'ai longuement étudié dans la Revue critique, va fournir à ma thèse, peut-être très audacieuse et dont je ne me dissimule pas les dangers 1, la base primordiale. Dans un article de la Revue des Deux-Mondes du 1er juillet 1905, M. Lafenestre, avec sa grande compétence, résumait ainsi l'état actuel de nos connaissancessur les origines de la Renaissance : Durant onze siècles (320-1433), c'est presque toujours l'Orient qui exalte et domine les ima- ginations occidentales. Dépositaire fidèle des techniques de l'antiquité, héritier des traditions, des passions, des vices de l'Hellade dégénérée, parfois aussi de ses vertus et de son génie, retrouvant même à certaines époques, au vr siècle sous Justinien, aux IXe et xe siècles sous les Macédoniens, son énergie héroïque et son enthousiasme esthétique, l'empire byzantin reste aussi la porte toujours ouverte sur la Perse, ta Syrie, l'Egypte, l'Inde même et la Chine. Son industrie, son commerce, son prestige, entretiennentpar intervalles, ou raniment en Italie, en France, en Germanie, l'intelligence endormie de la beauté et le besoin d'exprimer, par des formes visibles, les croyances religieuses et les émotions terrestres 2. Et quand, plus loin, il parlera de l'Apocalypse : l'hallucination orientale qui, durant tout le cours des invasions et dominations barbares, parmi l'incessant effroi des calamités publiques, envahira peu à peu, épouvantera les âmes inquiètes et les esprits troublés, nous ne saurions nous étonner de voir naturellement en découler celle conclusion : C'est elle que, dans leur premier réveil, les artistes en Europe s'efforceront vainement de réaliser en des formes monstrueuses,jusqu'à ce que enfin la conception occidentale, celle du premier chris- tianisme, alliance harmonieuse de vérité et de beauté, de la tradition hellénique et de la sensibilité chrétienne, reparaisse enfin, aux XIIe et XIIIe siècles, chez les sculpteurs en France, chez les peintres en Italie 3. Ainsi, c'est dans l'hellénisme qu'il faut rechercher les origines de l'art nouveau du XIIe et du XIIIe siècle. Et si alors nous demandons une date précise, M. Lafenestre nous la fera connaître : Les historiens de la Renaissance classique ont depuis longtemps salué en Frédéric II de Hohen- staufen (1194 1230) l'un des précurseurs les plus clairvoyants, l'un des initiateurs les plus hardis de l'esprit moderne dans les arts et dans les lettres, comme en politique et en religion 1. Enfin, dans les dernières lignes, qu'il consacre aux grands travaux entrepris par Frédéric II dans l'Italie méridionale, M. Lafenestre nous montrera dans ce décor, mélangé de souvenirs antiques et d'influences françaises, les caractères nette- 1. Il ne faut que se rappeler l'accueil fait aux théories de Courajod, lorsqu'il les professait en 1888 (cf. Gazette des Beaux-Arts, t. I). Mais il ne travaillait alors que sur le xve siècle, et n'avait pas à sa disposition les éléments de critique que nous sommes sur le point de posséder. 2. Revue des Deux-Mondes du 1er juillet 1905, p. 87-88. 3. Ibid., p. 95. 4. Ibid., p. 119.