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438 LA REVUE DE L'ART de différences pour qu'il soit possible d'hésiter. D'une part, c'est l'en- veloppe générale, douce et fine, de lumière, et le modelé délicatement apaisé des chairs qui semble y contraster avec la netteté, plus tranchante, dont Fouquet, dans les tableaux ci-dessus, pose et définit ses personnages sur des fonds plus éclairés. D'autre part, ce sont quelques détails, où l'on ne croit pas retrouver la manière accoutumée du maître : physionomies plus finement analysées et d'une expression plus intense, mains plus per- sonnelles et moins longues, des regards plus vifs et plus parlants en des yeux mieux étudiés. En somme, on y constaterait une forte influence des Van Eyck, on serait même disposé à y voir un travail flamand. Une comparaison attentive avec les effigies de J. Van Eyck, et, d'abord, l'Homme à l'oeillet de Berlin, qu'on a cité, nous paraît devoir écarter cette dernière hypothèse. Que Fouquet ait connu des oeuvres de Van Eyck, comme il a connu celles des Italiens, Fra Angelico, Andréa del Castagno, Domenico Veneziano, cela saute aux yeux. Les deux traditions se mêlent et s'allient dans toutes ses productions. Mais, à vrai dire, sauf cette fermeté générale dans la posture et dans le masque, qui peut, en partie, procéder des Flandres, rien, dans la facture essentiellement souple, délicate, aisée, toute baignée de lueur tendre, du visage et des mains de l'Homme au verre, ne ressemble au travail solide, appuyé, rugueux, à Tanalyse énergique, implacable, des plis, rides, saillies et rougeurs, qui modèle, comme des reliefs polychromes, les têtes viriles chez Van Eyck. Si les mains de l'Homme au verre, admirablement naturelles, d'ailleurs, et savam- ment raccourcies, semblent un peu molles, c'est précisément en quoi elles diffèrent des mains de Van Eyck et se rapprochent des. mains de Fouquet dans le Saint Etienne. C'est même en quoi elles diffèrent aussi des mains du Jeune homme aux yeux inégaux, dont la main, posée de même, des- sinée de même, est, au contraire, détaillée vigoureusement, et ceci doit encore nous faire réfléchir. Est-il donc impossible que le même peintre, un praticien aussi sensible et studieux que Fouquet, se soit trouvé, à vingt ans de distance, plus dégagé et plus habile? Est-il impossible qu'alors, devant deux modèles différents, en vue d'un effet divers, il ait modifié suffisamment sa manière pour la nuancer au gré de ses impres- sions nouvelles, tout en restant lui-même ? Le Jouvenel des Ursins, le Charles VII, l'Etienne Chevalier, ont été