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408 LA REVUE DE L'ART Avant le vote de ce prix, Gounod, qui, musicien, était le lauréat de l'année, avait rencontré Hébert sur le quai et, avec sa bonne grâce déjà séduisante, interrompant, sa causerie avec un autre lauréat, graveur en médailles, déjà élu, il lui avait dit : «  Vous savez, monsieur, que nous n'attendons plus que vous pour partir !» Hébert était ivre de joie. Mais le jour de la proclamation des récom- penses, il n'oublia point ce qu'il devait à David, et le nom du statuaire ne figurant pas sur le palmarès imprimé, — «  élève de M. Paul Delaroche », ces mots y étaient indiqués seuls, — il demanda au président de l'Institut, Quatremère de Quincy, que l'on proclamât Ernest Hébert, «  élève de M. Paul Delaroche et de M. David d'Angers ». Volontairement, il ne s'était pas levé à l'appel de son nom. «  Eh bien, jeune homme ? » lui avait dit le secrétaire perpétuel, sévère. Puis, apprenant ce dont il s'agissait. Quatre- mère de Quincy envoyait un huissier dire à haute voix à Hébert, immobile àsonbanc: «  Vous avez raison, allez embrasser M. David d'Angers ! » Et dans la salle consacrée à la mémoire des professeurs, à l'École des Beaux-Arts, figure un portrait de David qu'Ernest Hébert fit, nous disait-il, « avec amour et reconnaissance », en souvenir de ce cher et glorieux passé. Ernest Hébert a, du reste, exprimé avec une éloquence émue, restée jeune après des années, la joie qu'il éprouva, en 1840, lorsqu'il partit pour cette Villa Médicis, dont il parle toujours avec une reconnaissance attendrie. «  Avoir le grand prix de Rome à l'âge de vingt-deux ans. dit-il, est un grand bonheur; c'est l'encouragement à poursuivre la carrière artistique, toujours si incertaine et si redoutée des parents; c'est l'entrée dans une autre existence, pour cinq ans, à la Villa Médicis, au milieu de jeunes artistes déjà connus ou en voie de l'être... Mais arriver dans cette Villa Médicis et y trouver M. Ingres comme directeur, c'est une autre faveur du sort, dont on ne se rend pas compte dans l'effarement de la jeunesse, mais que plus tard on apprécie comme une heureuse fortune, dont on est reconnaissant toute sa vie. » Peut-être faudrait-il ajouter cette quatrième bonne fortune aux trois autres. Mais peut-être n'a-t-on vraiment de tels bonheurs que lorsqu'on les mérite.