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402 LA REVUE DE L'ART anciennes, les années de gloire. Et l'on écoute, comme si quelque légende d'art, quelque conte de poète nous était conté dans une langue pitto- resque pleine de charme : «  J'ai eu trois bonnes fortunes dans mon existence, au début de mon existence, et elles ont décidé de ma vie... » Quelles sont les bonnes fortunes ? Parti de Grenoble, un beau malin, il était venu à Paris pour y étudier la peinture, tout en faisant son droit : son père voulant le voir lui suc- céder à Grenoble dans son étude de notaire. Il avait seize ans. Un ami de M. Hébert père l'avait recommandé à un peintre qui eut son heure de succès, Monvoisin, dont on vit pendant longtemps, au Luxembourg, un Sixte-Quini jetant, ses béquilles, parti maintenant pour quelque musée de province. Monvoisin demanda au jeune Ernest Hébert, pour juger du talent de son futur élève et savoir ce qu'il pouvait faire, un « bout de peinture » et, en cinq ou six jours, le débutant enleva son propre portrait qu'il a encore, et que Monvoisin trouva « fort bien». Mais n'ayant pas d'atelier d'élèves, le peintre conseilla à Hébert d'aller à l'atelier de David d'Angers, le sta- tuaire, professeur excellent, où le jeune homme apprendrait le dessin. «Vous suivrez ses conseils, mais vous viendrez me voir et vous conser- verez ma manière! » dit le premier maitre. «Sa manière...!» Bon et brave Monvoisin ! Il avait la foi en sa « manière ». Une de ces « manières » qu'il est utile d'éviter. Mais la rencontre de cet honnète homme n'en fut pas moins pour Hébert la première bonne fortune. Hébert entra donc chez David d'Angers. Timide, mince, poétique et hésitant, il se trouva, à seize ou dix- sept ans, dans un atelier où pétris- saient la glaise trente ou quarante sculpteurs, tous barbus, échevelés, crépus et républicains. Il avait apporté là son tabouret, dont la tapisserie avait été faite par des mains féminines en Dauphiné. «  Vous pouvez le remporter, il ne ferait pas de vieux os ici ! » lui dit Mélin, un ancien de l'atelier. David, le statuaire, inspirait à ses turbulents élèves une dévotion absolue. Il enseignait avec une éloquence rare, virile, l'art de la compo- sition. On sentait une grandeur instinctive dans la façon dont il comprenait les sujets. Hébert pouvait recevoir les leçons de Gros, de Drolling ou de Picot et, par un coup du sort, il avait là pour initiateur et pour maître un homme de génie. C'était M. Marest de Lombre, commissaire de police du quartier