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388 LA REVUE DE L'ART car cette constatation aide à faire rentrer les armes de Badajoz dans la plus impor- tante et la plus intéressante série des oeuvres ibériques que nous connaissionsjusqu'à présent, et confirme ce que j'ai pu dire, d'accord avec mon maître, M. Léon Heuzey, sur les origines et le développement de l'art antique de l'Espagne. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, le surprenant état de conservation des armes et l'art admirable, si sûr de lui, qu'elles révèlent sont cause que le jugement hésite encore. Malgré moi, je suis obligé de me demander si elles ne seraient pas l'oeuvre d'un artiste très moderne, ayant imité, il y a peu d'années, les sabres d'Alme- dinilla. Cela me semble improbable, et voici pourquoi. Avant tout, je rappelle que les armes ont été vues à Badajoz en 1867, et achetées en 1868. Or, les fouilles qui ont fait découvrir les armes d'Almedinilla, en particulier le sabre au dragon, ont été faites en 1867, par D. Luis de Maraver y Alfaro, conservateur du musée de Cordoue, et Maraver a donné au musée de Madrid le lot qu'il possède, le 28 février et le 29 mai 1868. II y a donc comme une impossibilité matérielle à ce qu'un orfèvre se soit inspiré des découvertes d'Almedinilla. Ensuite, à supposer qu'en 1867, ayant vu rapidement les armes d'Almedinilla, un orfèvre ait exécuté en toute hâte les armes de Badajoz, comment expliquer que ces objets précieux se soient trouvés, dès 1868, entre les mains de misérables antiquaires ambulants, et que ceux-ci les aient, abandonnés, malgré leur détresse, pour la somme dérisoire de 2.000 réaux, c'est-à-dire à peine 500 francs ! Ce n'est pas aux musées qu'il faut apprendre que les faussaires ne donnent, pas leurs chefs-d'oeuvre à vil prix ! Dira-t -on que ces armes ont pu être exécutées à la Renaissanceà l'imitation de modèles antiques aujourd'hui perdus ? Mais alors n'est-il pas surprenant qu'elles aient justement été mises en vente au moment où s'effectuaient les fouilles d'Almedinilla, et que justement à cette heure ait paru à Almedinilla le sabre au dragon ? Tout bien pesé, j'ai lieu de croire que l'on peut admettre l'antiquité de ces merveilles. Je n'affirme pas .qu'elles ont été trouvées dans un tombeau d'Almedinilla, et peut-être dérobées à Maraver, par un ouvrier qui les a vendues sans bruit à Cor- doue ou à Séville, dont Lerena n'est pas bien éloignée ; mais je suis convaincu qu'elles se rattachent directementà l'art ibérique. Deux sabres d'Almedinilla, décorés de très fines gravures à la pointe, des spirales et des entrelacs, révèlent déjà une industrie fort habile, qui s'inspire probablement de très antiques modèles mycéniens (fig. 4). Un long fer de lance qui se trouve au Musée d'Artillerie de Paris, un fer de lance plus petit, de la collection Salazar, -à Alcala la Real, décoré de spirales mycéniennes incrustées en fils d'argent dans le fer, sont les témoignages d'une technique savante et hardie. Enfin, le sabre au dragon est d'une ornementation plus riche, et d'un style plus récent peut-être, bien que le monstre du pommeau fasse songer à l'Orient: il dénote un art plus avancé et plus libre. Mais, en somme,, l'ouvrier qui était capable de ciseler le bronze de cette poignée pouvait être capable aussi d'exécuter les armes de Badajoz. Ils sont le chef-d'oeuvre de l'armurerie ibérique, et Almedinilla prépare et explique Llerena, comme le Cerro de los Santos prépare et explique Elche. Faut-il aller plus loin, et essayer d'assigner une date précise aux armes de emblèmes du cheval marin (?) qui forme la poignée de la machaëra, et les serpents -qui ornent le pommeau du gladius. »