Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/445

Cette page n’a pas encore été corrigée

366 LA REVUE DE L'ART entré dans la carrière de l'art. Né en 1845 dans un petit village de Sologne, dans cette France centrale, dont la population est, par nature, observa- trice et narquoise, Paul Renouard vint très jeune à Paris, mais ce ne fut nul- lement dans l'intention d'y étudier la peinture ou le dessin. Pour se créer une position, il y essaya de divers métiers, et il avait déjà vingt-quatre ans, quand sa vocation artistique se manifesta. Employé dans un modeste magasin, il passait alors ses journées à ficeler des paquets et à servir le client. Un dimanche, un de ces dimanches pluvieux et gris, où le bourgeois le plus indifférent songe à aller s'enfermer dans les musées, il fut poussé par la destinée dans les galeries du Louvre, et c'est là devant les Botticelli qu'il eut, pour la première fois, l'intuition de l'art. Depuis ce moment, il commença à dessiner tout seul ; puis il suivit un cours du soir dans l'école municipale de son arrondissement, devint rapidement le plus détestable faiseur de paquets de son magasin, et, disant brusquemment adieu au commerce et à toutes les espérances que sa famille fondait sur lui, il se mit à faire de la lithographie industrielle pour vivre. Il en faisait encore, quand ses progrès à l'école de dessin lui permirent d'entrer à l'atelier d'Isidore Pils. Ce brave homme n'était certainement pas un très grand peintre, mais ce fut pour Renouard un bon maître, en ce sens qu'il lui permit de travailler à sa guise et de continuer cette éducation qu'il se donnait à lui-même en dessinant, partout et tout le jour, en croquant sur son carnet les mille petites scènes de la rue et de l'atelier : le cocher de fiacre qui sommeille sur son siège, l'agent de police qui fait les cent pas le long du trottoir, l'ouvrier flâneur qui dort sur un banc, le trottin qui chemine en lançant des oeillades, l'enfant qui joue et le régiment qui passe, toute cette vie de la rue parisienne, enfin, qui est peut-être le spectacle le plus pittoresque, le plus imprévu, le plus continuellement renouvelable que renferme l'univers des peintres et des dessinateurs. Aussi bien, les flâneries fécondes de Renouard dans