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246 - LA REVUE DE L'ART chacune d'elles le portrait d'un souverain différent. Aussi bien, la première appartient à une école qui relève de l'école memphite : le sculpteur a idéa- lisé, ou, si l'on préfère, stylisé son modèle, et il lui a prêté l'ovale court et plein, la face souriante et bonnasse, que son école recommandait pour les statues officielles des Pharaons. Le second, au contraire, a copié les traits sans en adoucir un seul, le visage long et maigre, le front étroit, la pommette en saillie, la mâchoire osseuse et pesante (fig. 3). Il a creusé les joues, il a cerné le nez entre deux sillons puissants, il a serré et pro- jeté la lèvre inférieure dans une moue dédaigneuse ; il a réalisé une oeuvre forte, où l'autre, pénétré des principes opposés, n'a tiré de la pierre qu'un morceau de facture agréable mais sans individualité. Le contraste est moindre entre les deux manières, lorsqu'il ne s'agit plus de statues, mais de bas-reliefs. Parmi les fragments dont Thoutmô- sis III s'était servi comme de remblais, un pilier carré s'est rencontré, qui provenait d'un édifice en calcaire de Sanouosrît Ier. Le Pharaon s'y voit sur l'une des faces, en compagnie de Phtah. Ils sont là, le roi et le dieu, debout, nez contre nez, aspirant l'haleine l'un de l'autre, selon l'étiquette entre personnes de rang égal qui se saluent (Fig. 4). Le style ressemble beaucoup à celui de l'école memphite, mais à l'examiner de près, on y distingue les particularités de l'école thébaine. Les contours sont arrêtés résolument, le relief est moins plat et, par suite, l'ombre qu'il projette est moins ténue, si bien que les figures se découpent en sil- houette sur le fond avec plus de vigueur que dans les tableaux de Gizéli ou de Sakkarah : un Memphite aurait déployé plus d'élégance peut-être, mais il fût demeuré dans le convenu. Les scènes gravées sur les trois autres faces portent au même degré les -caractères de l'art thébain, et il est fâcheux que le fragment soit unique jusqu'à ce jour : si le reste du temple était décoré aussi heureusement, la XIIe dynastie avait élevé à Thèbes une oeuvre comparable aux plus nobles de la XVIIIe et de la XIXe, aux portiques de Deîr-el-Baharî, au sanctuaire de Gournah et au Mem- nonium que Sétoui Ier se construisit en Abydos. III Il en est des statues de la XVIIIe dynastie déterrées à Karnak par M. Legrain, ce qu'il en est de celles de la XIIe : du premier instant